[INTERVIEW] Raphaël Depallens, travailleur social au Refuge Genève, un service de Dialogai

Raphaël Depallens est travailleur social au Refuge Genève, un service de Dialogai. Son parcours ancré dans les tissus associatif et social romand lui permettent d’avoir une vision d’ensemble utile au Refuge Genève. Interview.

Quel est ton parcours ?

Né en terre vaudoise plus précisément dans le Gros-de-Vaud… j’ai rapidement fait l’expérience que la diversité en termes de genre et d’orientation sexuelle/affective n’avait pas vraiment une place dans ce contexte et à cette période. Cette expérience tout comme mon coming out ont sans aucun doute forgé mon goût à promouvoir les richesses des diversités et à lutter contre les violences, qu’elles soient « visibles et bruyantes » ou « invisibles et sourdes ».

Après un CFC de pâtissier confiseur glacier et de cuisinier j’ai été durant 10 ans cuisinier. Dans ce cadre j’ai eu l’occasion de suivre des apprenti.e.s, ce qui m’a conduit à faire des études pour devenir éducateur social HES.

J’ai été durant 2 ans enseignant de soutien pour des élèves à besoins particuliers (MATAS – classes), ensuite j’ai travaillé dans une prison pour mineur.e.s/jeunes adultes puis dans un foyer pour des jeunes de 5-18 ans.

Cela fait 12 ans que je suis engagé dans l’associatif, en tant que Vice-président de Vogay en charge de la santé et des jeunes, auprès du Checkpoint Vaud et, suite à des violences que j’ai vécues ainsi qu’aux recherches d’aide qui en ont découlé (aide qui s’est avérée peu adaptée), comme fondateur, coordinateur et président du Pôle Agression et Violence (PAV) durant 8 années.

Petite anecdote, j’ai fait ma première action dans le milieu associatif il y a plus de 15 ans en cuisinant à Dialogai lors des repas qui avaient lieu les mercredis… la boucle est bouclée !?

En quoi consiste ton travail au Refuge Genève ?

Le Refuge Genève est une équipe. A ce titre je peux parler uniquement de ma vision sur notre travail.

Notre travail et notre engagement allient deux compétences spécifiques : le travail social, à savoir des connaissances spécifiques dans l’éducation sociale, et des compétences sur les orientations sexuelles/affectives et les identités de genre.

Cette activité consiste à soutenir des jeunes (de env. 4 à 30 ans) qui vivent des situations de rejet de par notre conception sociétale actuelle (ce qui génère du/de la : rejet, violence, invisibilisation, pathologisation, manque de connaissance). Cette activité nous conduit à intervenir non seulement dans le cadre de la famille/de l’entourage, mais également auprès des écoles/du milieu (pré-)professionnel et dans le cadre médical (santé globale et santé mentale). Ce travail dit en « systémique » comprend la personne dans son contexte et au travers d’une complexité organisée.

L’objectif est que chacun.e puisse se vivre comme il-elle-iel est ; que chacun.e puisse grandir et se développer dans un milieu bienveillant pour réaliser ces rêves. Notre action au Refuge Genève s’inscrit dans cette visée mais se concrétise dans des interventions très pragmatiques et de co-construits sur des auto-objectifs.

Vois-tu de nouveaux enjeux ces prochaines années ?

Une « flopée » ! Tout d’abord sur le plan légal : que les droits soient réellement égaux (à ce titre on devrait demander une baisse d’impôts pour une modeste compensation). Ensuite en ce qui concerne l’accessibilité aux services publics et l’obligation de démontrer son inclusivité (médical, justice/police, office de la population, transports…). Et finalement en termes de formations/sensibilisations à l’école et aux différents âges de la vie : il me semble curieux que dans une société soi-disant « évoluée » on donne plus d’importance par exemple dans le cadre de l’école au latin, à la géométrie et aux langues étrangères qu’à faire vivre la diversité et limiter voire éradiquer la violence.

Qu’est-ce qui te plait dans ton travail au Refuge Genève ?

La confiance que nous font les jeunes et leurs familles/entourages, la dynamique de l’équipe, les challenges, la diversité de notre champ d’action… et surtout la libre adhésion car précédemment j’ai travaillé uniquement dans de l’aide contrainte où les jeunes n’avaient pas choisi d’un suivi.

Penses-tu que le trend actuel à l’égard des personnes LGBTIQ+ est positif en Suisse et à Genève ?

Le Raphaël conciliant : cela évolue, au regard des 30 dernières années il semble que les efforts qui ont été faits, le travail réalisé et la structuration des organisations ont permis de donner des droits aux personnes LGBTIQ+. A ce titre nos ainé.e.s ont permis que cela soit possible.

Le Raphaël divergeant : je ne sais pas combien de temps, de suicides, de mal être et de vies partiellement gâchées il faudra pour que la prise de conscience se fasse massivement et que les violences en général et spécifiquement celles liées aux genres, aux expressions et aux identités de genre puissent ne plus être tacitement acceptés et acceptables. Pour ce qui est du changement à ce niveau je pense qu’il sera issu d’un mouvement collectif à Genève comme en Suisse, je suis assez désabusé et lucide en ce qui concerne la chose politique mais j’espère fondamentalement avoir tort. Il semble aussi qu’au-delà du pouvoir politique l’argent soit un moteur puissant, à ce titre de nombreuses études mettent en avant le moindre coût d’une intervention préventive ou précoce.