[INTERVIEW] Sébastien Zürcher, secrétaire médical à Checkpoint Genève, un service de Dialogai, se présente

Sébastien Zürcher est secrétaire médical à Checkpoint Genève, un service de Dialogai. Actif dans les milieux associatif et politique dans le canton de Vaud, il met sa motivation et ses compétences au service de Checkpoint Genève depuis octobre 2019.

Quel est ton parcours ? En quoi consiste ton travail à Dialogai/CheckPoint ?

Ma pratique dans la santé sexuelle a commencé en marge de mes études en 2015 lorsque j’ai intégré l’équipe des bénévoles de VoGay à Lausanne. Cela consistait principalement à diffuser de l’information dans des soirées LGBT sur des thématiques de santé sexuelle et relayer les campagnes de l’Aide Suisse contre le Sida mais je me suis découvert assez vite une passion pour le sujet. Au final tout s’est enchaîné plutôt rapidement vu que j’ai eu la chance d’être engagé au Checkpoint Vaud à l’accueil pour un petit pourcentage et des remplacements. De plus, j’ai repris la présidence de VoGay quelques mois après, ce qui m’a permis de travailler différents sujets de santé et de travailler plus intensément dans le réseau Romand de la santé sexuelle et LGBTIQ. Néanmoins ce fut assez court vu qu’à la fois j’avais augmenté mon pourcentage au Checkpoint Vaud et que mes études étaient passé très clairement au troisième voire quatrième plan. En 2017 j’ai donc pris la décision de me recentrer complètement sur mes études de sciences sociales et d’anglais à l’Unil pendant un moment. Après quelques mois cependant j’ai eu l’opportunité de m’exiler en terre genevoise pour faire des remplacements au Checkpoint Genève qui se sont rapidement transformés en un 30% puis un 80% depuis Octobre dernier.

Mon bachelor enfin en poche, je suis content d’avoir eu l’opportunité de cumuler des aspects théoriques critiques et politiques face à une pratique plus concrète pendant ces années. Désormais je suis responsable de l’accueil des usager·e·x·s au sein du centre et de la gestion administrative avec ma collègue Malsore. En dehors de Genève, je reste actif dans le milieu associatif et politique en terres lausannoises que j’habite toujours.

Penses-tu que le trend actuel est positif en Suisse? Connaîtra-t-on plus ou moins d’IST ou de cas de VIH ces prochaines années?

Je pense qu’il est nécessaire de redéfinir quelles sont les priorités d’un centre comme le Checkpoint et nos a priori sur le VIH et les IST face à notre communauté. Je pars du principe que considérer la population HSH (hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes) comme population à contrôler au niveau du VIH et des IST ramène à de vieux fantasmes à la fois sérophobes et homophobes d’une population dont la supposée déviance – ici incarnée par la sexualité non-hétérosexuelle et non-monogame ainsi que par les maladies – est à « contenir » et doit être gérée par la santé publique. Cette même santé publique a invisibilisé très largement les contributions des populations touchées par le sida qui ont mis en place une prévention « par et pour » alors même que les institutions rechignaient à prendre l’épidémie au sérieux. Si cet historique d’activisme est une évidence pour beaucoup, elle ne l’est pas pour de nombreux milieux médicaux qui adoptent une posture fondamentalement condescendante et paternaliste auprès des HSH et autres personnes LBTIQ. Il n’est pas rare d’entendre des professionnel·le·x·s de la santé répéter des lieux communs sur notre soi-disant inaptitude à prendre soin de nous-mêmes et ainsi nier notre histoire et notre résilience. Ainsi le Checkpoint est une structure « par et pour » dans laquelle l’agence et l’autonomie des personnes HSH·LGBTIQ sont respectées. Oui nous savons prendre soin de notre santé, oui nous savons ce qui est bon pour nous ou pas et non nous ne sommes pas des irresponsables qui mettent la santé de la population générale en danger et nous ne faisons pas non plus exploser les coûts de la santé. Problème créé en partie artificiellement par la volonté politique de ne pas faire baisser les prix des laboratoires et des médicaments.

De ce fait, je refuse de rentrer dans ce qui a fait le jeu d’une presse et d’institutions qui utilisaient pendant longtemps les statistiques VIH/IST des HSH pour la seul fait de rassurer leur biais de confirmation sur nos communautés. Ce que je vois quand je découvre une soi-disant montée des IST, c’est aussi un nombre impressionnant de gens qui ont pris en main leur santé et ont décidé de venir faire des tests. De plus, je pense que nous avons désormais le confort de nous occuper que d’infections au final relativement bénignes sur la santé au long terme. Ainsi il est bien plus important de les déstigmatiser que de continuer à entretenir une psychose collective autour du sujet. Si nous acceptons de prendre le métro (pour les lausannois) ou le tram (pour les genevois) en sachant que nous risquons de récupérer une grippe au vol, il devrait être normal de considérer les IST comme une partie intégrante de la sexualité comme les maladies font partie de la vie. Ainsi dans ma pratique les statistiques VIH/IST sont tout en bas de mon échelle des préoccupations, surtout que nous savons que notre pratique quotidienne porte ses fruits et qu’en continuant à privilégier une approche déculpabilisante et holistique de la santé, basée sur la multiplicité des stratégies personnelles pour la réduction des risques, les statistiques parleront d’elles-mêmes.