« PrEP : le temps du changement est venu », par Françoise Barré-Sinoussi

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Françoise Barré-Sinoussi revient sur la nécessité́, pressante, de mettre en œuvre un dispositif de prévention du VIH, la PrEP, désormais solidement fondé.

Par Françoise Barré-Sinoussi,

Présidente de l’International AIDS Society.

Avec Luc Montagnier, elle est lauréate du prix Nobel de médecine de 2008, pour la découverte du rétrovirus responsable du sida en 1983.

La science est désormais claire sur ce point: la PrEP, avec l’association d’emtricitabine et de fumarate de ténofovir disoproxil (Truvada), réduit de manière significative le risque de l’infection par le VIH chez les individus exposés à un haut degré de risque. Le fait que la PrEP ait montré une efficacité éprouvée chez ceux à qui elle était prescrite devrait être un objet de célébration, et devrait galvaniser notre action, pour garantir que l’accès à la PrEP soit ouvert à ceux qui pourraient le plus largement en bénéficier. Avec plus de deux millions de nouvelles infections par le VIH chaque année dans le monde entier, le temps du changement est venu. Les essais randomisés et contrôlés, ainsi que les études menées dans plusieurs pays ont montré l’efficacité d’une prise quotidienne par voie orale chez les populations exposées au plus grand risque d’infection par le VIH, parmi lesquelles les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH), les femmes et les hommes hétérosexuels dans le cadre d’un couple séro-discordant, les usagers de drogue par injection.

« L’ACCÈS GLOBAL À LA PREP RESTE EXTRÊMEMENT LIMITÉ »

Tout cela devrait nous inciter à rendre la PrEP disponible rapidement pour tous ceux qui pourraient en bénéficier. Mais l’accès global à la PrEP reste extrêmement limité. Le coût constitue aussi une préoccupation. Des versions génériques du Truvada sont bien disponibles dans la plupart des pays à faible et moyen revenus, mais, sans soutien supplémentaire de la part de donateurs, et sans de nouveaux modèles de prestation d’antirétroviraux, les pays cherchant à étendre l’accès à la PrEP risquent de se voir obligés de faire des compromis et d’adopter d’autres priorités en matière de prévention et de traitement du VIH.

« UN DROIT HUMAIN IMPÉRATIF »

Les défis qui nous attendent sont formidables. Nous devrions souscrire et nous attacher au principe selon lequel toutes les populations ont un droit en matière de prévention et de traitement efficaces du VIH. Maintenant que la PrEP a montré qu’elle fonctionnait, il me semble que l’extension de l’accès à la PrEP n’est pas seulement une affaire de politique de santé publique, mais un droit humain impératif. Gilead devrait soumettre des dossiers d’approbation dans d’autres pays, où la PrEP pourrait avoir un impact majeur, et les autorités régulatrices devraient fournir des évaluations accélérées. En outre, Gilead, les fabricants de génériques qui lui sont associés et ses partenaires dans la distribution devraient travailler à réduire le coût global du ténofovir-emtricitabine, en accordant une attention spéciale aux pays à faible et moyen revenus.

« NOUS DEVONS AGIR DÈS MAINTENANT »

Les gouvernements, les donateurs ainsi que d’autres partenaires devraient travailler de concert à développer des stratégies d’introduction de la PrEP dans des plans de santé nationaux. La PrEP devrait se voir accorder un degré de priorité proportionné à l’ensemble des données scientifiques solides dont nous disposons. Les protections en matière de droits humains devraient être au centre des plans visant à rendre la PrEP largement disponible. Les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH), les usagers de drogue par injection, les travailleurs du sexe ou toute autre catégorie sociale devraient pouvoir recourir à la PrEP sans crainte d’être discriminés, stigmatisés, ou d’encourir des sanctions juridiques. Trop longtemps, le monde a admis l’idée que les avancées en matière de santé, pour toucher les pays à faible revenu, devaient prendre des années, sinon même des décennies. Après une période sans précédent en matière de prévention et de traitement du VIH, nous savons qu’il n’est pas seulement nécessaire, mais possible d’accélérer la cadence. La PrEP représente un solide complément apporté à notre arsenal de prévention du VIH, et peut sauver de nombreuses vies. Nous devons agir dès maintenant, pour mettre en pratique les solides données scientifiques dont nous disposons au sujet de la PrEP.

Source : Têtu

Une version de cette tribune est publiée dans TÊTU de juillet-août (n°212), actuellement en vente.