L’évêque de Fribourg Charles Morerod s’exprime sur le déplacement de l’abbé Bucheli suite à la bénédiction d’un couple homosexuel.

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Suite au déplacement de l’abbé qui a béni un couple de lesbiennes, les évêques suisses sont taxés de conservatisme. L’évêque de Fribourg Charles Morerod s’explique.

 

Vous avez déclaré que vous compreniez la sanction infligée à l’abbé Bucheli, qui a béni un couple homosexuel et doit quitter sa paroisse. Cela signifie que vous partagez les opinions conservatrices de l’évêque de Coire, qui a pris cette décision?

J’ai dit que je ne savais pas si j’aurais pu réagir autrement. Il y a certaines choses qui ne dépendent pas de l’évêque du lieu: le mariage, dans l’Eglise catholique, c’est entre un homme et une femme, et ce n’est pas à un curé ou à un évêque de remettre cela en question. Vous savez peut-être que l’opposition active au mariage homosexuel de l’archevêque de Buenos Aires qui, depuis, est devenu pape, a causé de graves tensions avec le gouvernement Kirchner. On n’en déduit pas pour autant que François est un affreux conservateur.

 

Sauf que dans le cas de Bürglen (UR), il ne s’agissait pas d’un mariage, mais d’une bénédiction.

Oui, mais ce que j’ai entendu, et que je n’ai pas pu vérifier, c’est que dans un premier temps, l’abbé Bucheli aurait publié cette bénédiction dans la liste des mariages.

 

Pensez-vous, comme Vitus Huonder, évêque de Coire, que l’amour homosexuel est un péché?

Si on regarde les textes de la Bible, c’est effectivement ce qui ressort. Maintenant, comment interpréter ces écrits, ce n’est pas une question à laquelle on peut répondre en quelques instants. C’est un des nombreux objets qui sera discuté au synode des évêques cet automne.

 

On bénit des animaux, des motos, des armes… Vous comprenez que les gens soient choqués que l’Eglise refuse de bénir deux personnes du même sexe qui s’aiment?

Oui, je comprends. Cela dit, on bénit des homosexuels en tant que personnes. Ici, le problème spécifique est que ça donne l’impression d’être un mariage. Il y a une ambiguïté qu’il faudrait éviter.

 

25 000 personnes ont signé une pétition en ligne pour l’abbé Bucheli. Il y a une solidarité incroyable dans son village. Un prêtre qui cartonne, cela ne devrait pas primer sur tout le reste?

Je sais que l’abbé Bucheli est très apprécié, il l’était déjà à Fribourg. Et je ne doute pas qu’il soit un bon curé. Mais un prêtre doit aussi savoir s’abstenir de faire certains gestes qui contribuent à le rendre populaire de manière un peu hâtive. On sait que si on veut être bien vu par les médias, ce qui n’était certainement pas son but premier, on a intérêt à agir de cette manière, parce que ce sera décrit comme courageux.

 

Vous allez poser des conditions à un retour dans votre diocèse?

S’il revient pour faire de son église un centre de bénédiction pour couples homosexuels, cela posera quelques problèmes. Il faudra que je le lui dise.

 

Il ne s’exprime plus, est-ce qu’on lui a interdit de parler?

Aucune idée. Pas moi, en tout cas.

 

Certains vous décrivent comme un conservateur sous une façade potache. Vous vous y reconnaissez?

Il est difficile de coller sur les gens une étiquette qui les fige. Je n’ai pas caché, par exemple, que je souhaite que l’église mette un bâtiment à disposition des requérants d’asile. Cette position-là a été critiquée par certains, qui me reprochaient d’être trop à gauche.

 

Mais en déclarant cela, vous ne vous mettez pas en porte-à-faux avec votre Église. On ne se situe donc pas sur le même plan.

Vous savez, si j’ai accepté de devenir évêque, c’est parce que je crois ce que croit l’Eglise. Sinon, ça aurait été parfaitement malhonnête de ma part. Ou alors, j’aurais dû dire: «Ne me choisissez pas moi, parce que je ne suis pas d’accord avec tel ou tel point.»

 

Allez-vous participer à la «marche pour la vie», cette manifestation antiavortement qui aura lieu en septembre?

Non. J’y ai été invité. Mais ayant une confirmation ce jour-là, je ne pourrai pas y participer.

 

Le licenciement abrupt de deux collaborateurs du secrétariat général de la Conférence des évêques suisses (CES) a suscité des réactions outrées. Deux semaines pour faire ses cartons: les évêques se sont donc transformés en patrons sans pitié?

On n’a pas laissé deux semaines à ces collaborateurs, contrairement à ce qui a été affirmé, mais six mois, en leur précisant qu’ils pouvaient partir avant s’ils trouvaient autre chose. Cette décision est le résultat d’une analyse du fonctionnement du secrétariat effectuée par le Pr Bürki, de l’Université de Fribourg. Il a constaté que la CES est peu connue, surtout en Suisse romande et au Tessin. Il nous faut une personne de langue française qui ait une formation en marketing. Voir tout cela sous l’angle de la politique personnelle de Simon Spengler (ndlr: le secrétaire de la commission des médias, licencié), c’est un peu limité.

 

Étiez-vous en désaccord avec la ligne de transparence prônée par Simon Spengler?

La transparence est absolument indispensable. Mais on s’est posé la question du rôle d’un service de communication: est-il de prendre de la distance par rapport à certaines actions des évêques, comme le ferait un journaliste (ce qu’a été M. Spengler)?

 

N’empêche, licencier les gens ainsi, ce n’est pas très chrétien!

On a évalué les forces et les faiblesses de ce secrétariat, on devait donc agir selon les conclusions. C’est un problème que nous avons parfois, dans l’Eglise. Comme on veut être bon et gentil, on laisse en place des personnes qui ne devraient pas y être. Simon Spengler était reconnu comme quelqu’un de compétent. Mais quelque chose manquait dans son profil.

 

On vous reproche également de ne pas aborder les sujets qui fâchent.

Mais on aborde les sujets qui fâchent.

 

Quoi par exemple?

A l’institut Marini, dans le canton de Fribourg, il y a des abus sexuels qui remontent aux années 1940-1950. J’ai dit récemment: faisons la lumière sur cette question avec une commission neutre et extérieure. Je pense que le poids social qu’avait autrefois l’Eglise a fait du mal à beaucoup de personnes.

 

Mais vous ne prenez pas de risques: ce sont des faits qui se sont déroulés il y a très longtemps, les auteurs ne sont plus là. Il y a sûrement des cas plus récents sur lesquels on aurait pu enquêter.

Tout d’abord il y a des victimes qui sont bien là, aujourd’hui! Ensuite, si nous avons des documents plus récents, nous investiguerons.

 

Est-ce que l’Eglise doit changer pour s’adapter à la société actuelle?

Elle a toujours dû le faire, dans une certaine mesure. Au XIIIe siècle, on a vu le retour d’Aristote dans la culture. Ça a amené des changements profonds dans la théologie, sans que cela ne modifie fondamentalement la foi. On se trouve dans une situation similaire. Mais il faut du temps pour comprendre comment procéder à ces changements.

 

Cela pourrait être, entre autres, d’accepter que deux personnes du même sexe s’unissent devant Dieu?

Il ne s’agit pas non plus de suivre toutes les idées à la mode. Aux États-Unis, où il y a une multitude d’Eglises chrétiennes, on a observé que lorsque l’une d’elles commence à s’adapter très largement à l’évolution de la société, le résultat, c’est qu’elle disparaît. Et puis, si je me retrouve simplement moi-même et mes propres idées quand je vais à l’église, je peux tout aussi bien rester à la maison. A l’église, on cherche aussi un Autre.

 

Source : Le Matin

 

A écouter sur la RTS : juste ciel – La situation du curé qui a béni un couple homosexuel divise

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