Tom à la ferme : «L’homo des villes et les rats des champs»

tom a la fermeEntre autofiction explorant les chemins contradictoires du deuil, et film fantastique, le nouveau film de Xavier Dolan, Tom à la ferme, toujours visible à Genève (Les Scala) et Lausanne (Pathe Les Galeries) distille un cocktail imprévisible de justesse psychologique et d’horreur pure.

 Xavier Dolan avoue joliment s’être lancé dans Tom à la ferme pour tourner un film plutôt que tourner en rond. A seulement 25 ans, avec trois films au compteur, il aurait pu céder à la peur de mal faire. A la gamberge, il a préféré l’audace, sautant sur l’occasion qui se présentait à lui d’adapter une pièce d’un jeune auteur québécois (Michel Marc Bouchard), et jouant lui-même le rôle principal.

Le film conserve la fraîcheur de cet élan initial, qui infuse chaque plan d’une spontanéité, d’une vivacité, en un mot d’une jeunesse bienvenue. Tout a l’air improvisé, et tout sonne juste. De quoi ça parle ? Tom à la ferme, en fable de La Fontaine, ça donnerait quelque chose comme «L’homo des villes et les rats des champs», ou l’immersion improbable d’un jeune gay délicat dans une ruralité violemment homophobe, ou du moins homofuge.

 A l’occasion de l’enterrement de son petit ami, Tom découvre sa famille – une mère éplorée et un frère brutal – menant une existence ingrate de fermiers coincés entre la tentation de la modernité et un archaïsme autistique. Il découvre également que cette mère ignorait tout de la sexualité de son fils.

 Intrus chargé d’une vérité aussi dangereuse qu’une balle pour cette famille déliquescente, Tom hésite à donner le coup de grâce libérateur, ou à se fondre dans le mensonge qu’on lui propose avec la grâce inquiétante d’une victime consentante. Peu à peu l’étude de mœurs, aussi réaliste qu’un documentaire sur le déclin de la ruralité contemporaine, bascule dans le thriller psychologique.

 Entre autofiction explorant les chemins contradictoires du deuil, et film fantastique, Tom à la ferme distille un cocktail imprévisible de justesse psychologique et d’horreur pure. Xavier Dolan n’a pas fini de nous étonner…