Nigeria : La police accusée de torture pour identifier des homosexuels

nigeria policeDepuis la loi promulguée au début du mois par le président Goodluck Jonathan, la police nigeriane est accusée par des activistes de la lutte contre le sida d’user de stratagèmes et d’abus comme la menace, la torture ou la rétention pour faire avoir leur homosexualité à des gays et les contraindre à en dénoncer d’autres.

Selon le Center for Reproductive Health and Sexual Rights, une association nationale de lutte contre le VIH, la police de l’Etat de Bauchi, dans le nord-est du pays, a forcé par la torture quatre homosexuels présumés à dénoncer les membres d’un prétendu club gay. Ces abus ont conduit à l’arrestation de 34 personnes qui ont elles-mêmes été contraintes à reconnaître leur orientation sexuelle, avant de se rétracter devant le juge. La police menace de pas s’en tenir à ces personnes et a indiqué qu’elle disposait d’une liste de 130 autres « suspects ». Au total, c’est donc une liste de 168 hommes supposés être gay qui est menacée.

« Cela a commencé avant que la loi se soit signée, mais maintenant il va y avoir encore plus d’arrestations arbitraires », a réagi la directrice du Center for Reproductive Health and Sexual Rights Dorothy Aken’Ova, qui redoute que la nouvelle loi ne mette en danger la vie d’homosexuels et qu’elle ne mène à une criminalisation des programmes lutte contre le VIH.

Le Bauchi est un Etat majoritairement musulman qui a adopté la charia en 2001. Les auteurs d’actes considérés comme « contre nature » y sont passibles de la peine de mort par lapidation.

Adoptée à l’unanimité par les parlementaires nigérians en mai dernier, la loi prévoit une peine de 14 ans de prison en cas de mariage homosexuel et 10 ans d’emprisonnement pour les personnes de même sexe affichant publiquement leur relation. Le président nigérian Goodluck Jonathan a promulgué lundi cette loi très controversée, s’attirant notamment la réprobation de l’ONU, des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de nombreuses ONG,dont Amnesty International.

Un homosexuel de Lagos s’est dit mardi « effondré » par le geste du président Jonathan et « terrifié » par ses conséquences. « Je suis surtout inquiet pour les personnes LGBT dans le nord, dans le delta du Niger (…) et aussi, en fait, pour les personnes LGBT dans tout le pays », a-t-il confié.

Pour cet homme, le gouvernement « a légalisé la violence, la stigmatisation et la discrimination. (…) Notre situation ne fait qu’empirer ».

David Mac-IyallaA Londres, le militant LGBT et défenseur des droits de l’Homme Davis Mac-Iyalla (photo) a estimé que la nouvelle loi allait pousser la communauté homosexuelle à se cacher encore plus, et qu’elle risquait de se retrouver face à des soignants qui refuseraient de leur fournir des traitements, comme pour le sida par exemple, par crainte de poursuites judiciaires.

« Le pire dans tout ça, c’est qu’il existait déjà des lois au Nigeria qui criminalisaient les relations entre personnes de même sexe. Je ne connais personne qui réclamait un mariage entre personnes de même sexe », a lancé Davis Mac-Iyalla.

« On est dans un contexte général d’augmentation des sanctions et de criminalisation de l’homosexualité ». Il a néanmoins jugé qu’il restait un espoir de contester la nouvelle loi devant la justice nigériane. « Je crois toujours qu’il y a des juristes et des gens qui, du point de vue des droits de l’Homme, seraient intéressés par cette histoire. (…) On peut se battre pour les droits de l’Homme de n’importe où », même de l’étranger, a prévenu le militant. « Nous n’allons pas nous taire et accepter une loi aussi draconienne », a-t-il ajouté.

L’Onusida et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont déclaré craindre que les personnes LGBT au Nigeria ne se voient refuser l’accès aux services médicaux Ils ont appelé dans un communiqué à « un examen rapide de la constitutionnalité de cette loi à la lumière des graves risques qu’elle présente pour la santé publique et les droits humains ». Le secrétaire d’Etat américain John Kerry s’est dit « profondément préoccupé » par la loi nigériane qui suit un texte similaire proposé en Ouganda.

La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Navi Pillay, a estimé que la loi « fait empirer une situation déjà mauvaise », renforce les préjugés existants et risque d’augmenter la violence. « On voit rarement un texte de loi qui, en quelques paragraphes, viole directement tant de droits humains fondamentaux », a-t-elle ajouter.

L’homosexuel de Lagos a estimé que la nouvelle loi est un « permis de violence ». Au Nigeria, « des personnes sont lynchées à cause de leur orientation et de leur identité sexuelle », a-t-il ajouté, disant craindre pour ceux qui « ne peuvent même pas parler pour se défendre et qui finiront en prison sans que personne le sache ». L’homosexualité est illégale dans 78 pays et punie de mort dans sept pays.

(Source AFP)