«La stigmatisation de l’homosexualité est encore d’actualité» (Entretien avec Christophe Catin, président de Dialogai – Le Temps du 14/01/2013)

Christophe

L’association homosexuelle Dialogai compte ouvrir à Genève un centre d’hébergement temporaire pour jeunes gays, ­s’inspirant du modèle du Refuge, en France. Cette structure accueille chaque année, depuis dix ans, des jeunes homosexuels entre 18 et 25 ans en rupture avec leurs proches dans 12 centres à travers le pays. Certains sont mis à la porte, d’autres fuient par eux-mêmes un environnement familial saturé d’homophobie. «Les droits des gays ont évolué, mais la stigmatisation se perpétue, dans l’intimité familiale ou à l’école», explique son président Nicolas Noguier, invité lundi soir à Genève par Dialogai pour présenter son association.

En 2011, Le Refuge enregistrait 479 demandes. En 2013, année ponctuée de manifestations, en France, contre l’ouverture du mariage civil aux couples ­homosexuels, elles ont explosé à 1300. «La campagne contre le mariage pour tous a libéré une homophobie latente, souligne Nicolas Noguier. On s’est mis à en parler en famille, devant la TV. De nombreux jeunes gays ont pris conscience du rejet de leurs proches.» Le Refuge propose aux jeunes en errance un hébergement temporaire jusqu’à six mois et un accompagnement psychosocial, destiné à leur redonner confiance en eux. «Nous accueillons des jeunes de tous les milieux socio-économiques. A leur arrivée, ils se sentent souvent seuls au monde. Ils ont intériorisé les jugements sur l’homosexualité: c’est sale, immoral.» Après avoir enquêté dans les milieux concernés, Dialogai estime que Genève a besoin d’un tel centre d’accueil, explique son président.

Le Temps: Pourquoi un centre d’accueil destiné aux homosexuels est-il nécessaire? Les structures sociales existantes sont-elles surchargées, ou dépassées?

Christophe Catin: La stigmatisation de l’homosexualité est encore d’actualité. Or, dans les structures sociales, elle n’est pas ou peu abordée. Certains professionnels nient l’existence même d’un problème. Les foyers d’accueil enseignent aux jeunes comment gérer un budget, s’insérer dans le monde du travail, entretenir une vie sociale, mais ignorent souvent les questions liées à l’identité sexuelle. Or l’homophobie y est aussi présente. Aujourd’hui, lorsqu’un jeune en détresse nous contacte parce qu’il n’a plus personne sur qui compter, nous n’avons que des solutions provisoires à lui offrir. Nous souhaitons créer un espace d’accueil, d’écoute et de soutien où les jeunes pourront parler de leur identité sexuelle et trouver des armes pour se construire dans un contexte dédramatisé. Et, en situation de vulnérabilité, c’est entre pairs que l’on se sent le plus à l’aise pour parler.

– Comment fonctionnera le refuge, et d’où viendra son financement?

– Cette question est à l’étude, nous souhaitons un équilibre entre financement privé et public. Nous allons proposer notamment un partenariat à la ville et au canton de Genève. Dans un premier temps, nous prévoyons une phase pilote d’accueil restreint de trois ou quatre places, puis nous évoluerons en fonction de la demande. Nous prévoyons une coopération avec les structures médico-sociales et les écoles, dans lesquelles nous avons développé des réseaux de soutien destinés aux homosexuel-le-s.

– Le centre sera-t-il ouvert aux filles et aux garçons?

– Cela reste une de nos préoccupations, c’est donc une question que nous n’avons pas encore tranchée. Notre association est traditionnellement dédiée aux hommes et nous recevons moins de demandes de la part de femmes.

Source : Céline Zünd ( Le Temps)