Crime contre l’Humanité au Cameroun: « tous les ingrédients sont réunis »

Cameroun définitive         

           C’est à cœur ouvert que Maître Saskia Ditisheim a pris la parole lors de la conférence débat consacrée à la situation catastrophique des homosexuel(le)s au Cameroun le mercredi 30 octobre 2013 au sein des locaux de Dialogai.

  « La crème de Whisky est une boisson de femme, si un homme en boit, il est homosexuel… Se  limer les ongles, c’est féminin. Un homme qui se lime les ongles est homosexuel au Cameroun… »  Relate Maître Saskia Ditisheim

Maître Saskia Ditisheim a rappelé avec émotion et non sans humour cinglant l’histoire de son profond engagement depuis 2010 auprès des homosexuel(le)s camerounais(e)s. En croisant l’histoire de cette lutte à l’évocation de souvenirs personnels forts que cette histoire suscitait, Maître Saskia Ditisheim a su nous faire vivre l’atmosphère souvent déconcertante de son parcours d’avocate et de femme, au chevet de la cause homosexuelle camerounaise. Une parole dont l’entremêlement a su créer un moment d’intimité fort pendant près d’une heure trente.

      √   Vies brisées : délit d’homosexualité et raisons invoquées

              En mars 2010, Maître Saskia Ditisheim visionne un film sur la question de l’homosexualité au Cameroun, Sortir du Nkuta (faire son coming out, en argot local) de la réalisatrice française Céline Metzger. Très vite, un partenariat est établi avec l’ADEFHO (Association de Défense des Homosexuels Camerounais) que préside Maître Alice Nkom et Avocats Sans Frontières Cameroun dont les membres se révèlent être homophobes et totalement absents lors des audiences.

 C’est sous l‘égide d’Avocats Sans Frontières que Maître Saskia Distiheim a plaidé trois fois devant les tribunaux camerounais pour défendre des personnes accusées de délit d’homosexualité sans que ce délit ne soit jamais constitué. Chaque fois les raisons invoquées reflètent la profonde homophobie des instances officielles et l’absence totale de preuve.

Juillet 2010 : Jonas Singa Kumie et Franky Djome, délit d’homosexualité pour « habillement féminin » des deux jeunes hommes propre à n’« attirer que des hommes »… Une plaidoirie sous les huées d’une salle comble et les insultes de confrères camerounais.

           Saskia Ditisheim Présidente d’Avocats Sans Frontières Suisse et ses confrères camerounais, Me Alice NKOM, Me Michel TOGUE et ASF Cameroun ont défendu les accusés et plaidé leur acquittement en appel. La Cour a finalement reconnu que les conditions d’application de l’article 347 bis du Code Pénal n’étaient pas réunies par l’absence de flagrant délit. En effet, d’après la police, les deux jeunes camerounais avaient eu des rapports sexuels à bord d’un véhicule dans le quartier Essos, à Yaoundé, en juillet 2010. Inculpés de « faits d’homosexualité », ils avaient été condamnés en première instance à la peine maximale prévue pour ce délit, soit cinq ans de prison ferme assortis d’une amende de 200 000 F CFA (300 €).

2 mars 2011 : Roger M., délit d’homosexualité le sur la base d’une série de messages texto envoyés à C.F: « Je suis tombé amoureux de vous ».

Roger M a été battu violemment et s’est présenté pieds-nus, « comme un bandit », devant le tribunal.

   

          Saskia Ditisheim Présidente d’Avocats Sans Frontières Suisse et ses confrères camerounais, Me Alice NKOM, Me Michel TOGUE et ASF Cameroun ont défendu les accusés et plaidé leur acquittement en appel. La Cour a finalement reconnu que les conditions d’application de l’article 347 bis du Code Pénal n’étaient pas réunies par l’absence de flagrant délit. En effet, d’après la police, les deux jeunes camerounais avaient eu des rapports sexuels à bord d’un véhicule dans le quartier Essos, à Yaoundé, en juillet 2010. Inculpés de « faits d’homosexualité », ils avaient été condamnés en première instance à la peine maximale prévue pour ce délit, soit cinq ans de prison ferme assortis d’une amende de 200 000 F CFA (300 €).

Michel Togué a également déposé un recours demandant que Roger, étudiant en master à l’université, soit libéré sous caution pendant la procédure d’appel afin de poursuivre ses études. Ce recours a été accepté le 16 juillet 2012 et Roger a été mis en liberté provisoire alors que sa procédure d’appel était en attente. Cependant, le 17 décembre, la Cour d’appel du Centre a maintenu la condamnation de Roger. Ses avocats ont déposé pour la première fois une demande d’appel auprès de la Cour Suprême.

  

Août 2012: Arrestation de  Joseph O., Séraphin N inculpés d’homosexualité, N.N. et E.L.  « Plusieurs objets (saisis au domicile) ne laissant aucun doute sur les activités homosexuelles du susnommé». Ces objets comprenaient des préservatifs et du lubrifiant, décrit par le tribunal comme « du lubrifiant pour l’anus» et « des préservatifs masculins homosexuels ».


            Joseph O. a été interpellé et placé en garde à vue à la brigade de gendarmerie de Yaoundé I. Le lendemain, un membre de sa famille, Séraphin N., s’est rendu à la brigade pour tenter de le voir. Séraphin N. était accompagné de N.N., un orphelin âgé de 17 ans et enfant de la rue recueilli par Joseph O., qui lui avait trouvé un travail sur un chantier de construction. Ils ont tous deux également été arrêtés, sur le soupçon d’homosexualité. Les gendarmes ont ensuite perquisitionné illégalement le domicile de Séraphin N. et ont arrêté un autre garçon âgé de 17 ans qui s’y trouvait, E.L., sur les mêmes accusations.

L’inviolabilité du domicile n’a pas été respectée et les mauvais traitements infligés aux accusés pendant leur détention, notamment des examens anaux et des méthodes d’interrogatoire brutales non remises en cause.

N.N. a été libéré sous caution le 18 juillet 2012. E.L. a été libéré définitivement. Joseph O a  été condamné à trois ans de prison dont deux fermes. Séraphin a été acquitté.

√    Négation de toute forme d’homophobie par le Cameroun à l’Examen Périodique Universel des Nations-Unies de Genève  en septembre 2013

         Au Cameroun, le règne de la suspicion, des vices de procédure juridique, d’obstruction, de violence, de corruption sont une évidence, au détriment de procès équitables, justes, dans le respect des règles juridiques internationales et même  camerounaises, dans l’oubli du respect des droits fondamentaux.

A Paris, en février 2013 où il séjournait dans le cadre d’une « visite de travail », le président camerounais Paul Biya a demandé aux homosexuel(le)s, ainsi qu’à leurs défenseurs qui exigent la dépénalisation des pratiques homosexuelles au Cameroun, de « ne pas désespérer », message d’espérance rapidement nuancé. « Nous avons appris que des gens détenus pour homosexualité ont été libérés. Donc il y a une évolution des esprits. Il ne faut pas désespérer », a indiqué M. Biya, au terme d’un entretien à l’Elysée avec son homologue français, François Hollande ». Il y a discussion. Les esprits peuvent évoluer dans un sens ou dans un autre mais actuellement c’est un délit », a souligné M. Biya.

Message bien reçu aussi lors de L’EPU de septembre 2013 où le représentant du Cameroun a affirmé devant le parterre de quatorze gouvernements médusés demandant la protection des défenseurs des droits humains et la décriminalisation de l’homosexualité, que cette réalité n’existait pas et que tout n’était qu’ « affabulation », que la loi camerounaise était conforme au Droit International, arguant tout simplement que la culture africaine n’accepte pas l’homosexualité dans un pays où, ce n’est pas un détail, 30 % des femmes sont aussi victimes d’une sorte de droit coutumier : celui du viol.

« Le gouvernement camerounais a maintenu son refus devant les membres du Conseil de ne pas dépénaliser l’homosexualité ». ( PLATE FORME EPU CAMEROUN 2ème cycle de l’Examen périodique Universel -Examen du Cameroun (Avril 2013). Sur la dépénalisation de l’homosexualité, page 6). En Afrique, c’est aussi au Cameroun qu’on enregistre le plus grand nombre d’emprisonnements.

Monsieur Biya, cette situation est désespérante et insoutenable.

√    L’avenir : un travail d’alliance sur le terrain

         Depuis toujours, il subsiste dans ce pays une réelle atmosphère homophobe, généralement transmise par l’éducation et la religion. Les personnalités religieuses du pays dénoncent régulièrement les homosexuels, qu’ils considèrent comme des « intrus dans la société ».

Dans ce contexte, l’appel du pape adoptant un discours plus humain et plus nuancé résonne comme un espoir : « (…) Un jour quelqu’un m’a demandé d’une manière provocatrice si j’approuvais l’homosexualité. Je lui ai alors répondu avec une autre question: “Dis-moi: Dieu, quand il regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l’existence avec affection ou la repousse-t-il en la condamnant? ».

A ce jour Maître Saskia Ditisheim désire accentuer un travail de regroupement sur place avec Maître Alice N’Kom et Maître Michel Togué, initier un travail de fond avec les ambassades, mener une politique de défense encore plus cohérente, définir les besoins afin d’offrir aux victimes d’une justice trop souvent homophobe des procès dignes et équitables.

        Plus éloignée de la médiatisation, la  défense de la cause homosexuelle au Cameroun pourrait ainsi emprunter d’autres chemins qu’on souhaite tous couronnés d’autres succès.