C+H-antiquité-bibleL’Antiquité n’a pas été un âge d’or homosexuel que serait venu interrompre le christianisme. Andréas Dettwiler, ancien doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Genève, est l’invité de C+H le mardi 20 septembre à Dialogai pour retracer l’évolution de la représentation de l’homosexualité à cette période. Laissant de côté les idées reçues, il rétablit une vérité beaucoup plus nuancée en s’appuyant sur des sources littéraires de l’Antiquité dont le christianisme naissant fait partie : une investigation nécessaire au regard de l’influence du christianisme toujours présente dans la société contemporaine.

Antiquité – la sexualité, reflet des rapports sociaux inégaux

Si l’homosexualité était bien présente dans les sociétés bordant la Méditerranée durant l’Antiquité, elle a peu de rapport avec sa conception actuelle. Le statut social s’imposait jusque dans l’intimité et attribuait à chacun un rôle bien précis indépendamment de son sexe. Ainsi, l’homme libre devait pénétrer son partenaire que celui-ci soit une femme ou un homme, alors que les statuts inférieurs étaient cantonnés au rôle de pénétré. L’homosexualité est donc plus un comportement qu’une identité fixe comme il est revendiqué aujourd’hui. Cette dimension sociale de la sexualité teinte aussi de subversivité tous ceux qui se réclamaient asexuels, d’autant plus que la sexualité, à l’époque, est très fortement connotée à la domination, voire à la violence.

Judaïsme et Christianisme – le cantonnement de la sexualité dans le mariage hétérosexuel

Le judaïsme de l’époque hellénistique accorde aussi à la sexualité un rôle de marqueur d’identité qui dépasse la stricte vie privée. Mais, à la différence des populations non-juives, les pratiques homosexuelles sont condamnées. Le mariage devient le seul cadre où la sexualité est possible, et il ne s’envisage qu’entre une femme et un homme.

Le christianisme naissant, même s’il s’inscrit dans la droite ligne du judaïsme de l’époque, déplace quelque peu les paramètres. Il est porteur de l’idée d’un d’amour inconditionnel et d’une radicale non-violence. L’ouverture de Jésus aux femmes propose, par exemple, une conception du rapport à autrui d’une étonnante liberté. L’ascétisme, très répandu dans certains milieu du christianisme, est aussi disrupteur car il éloigne l’homme de son devoir de mariage et de reproduction.

Un héritage utile pour l’homosexualité d’aujourd’hui

La représentation de l’homosexualité a donc un héritage complexe. Un travail critique d’historien et de théologien est nécessaire pour déterminer ce qui est aujourd’hui fondamental pour le christianisme. Il permet aussi de poser les bases pour l’élaboration d’une éthique de la sexualité, c’est-à-dire de l’ensemble des valeurs, des normes et des comportements qui permettent à chacun de concevoir sa sexualité dans le respect à l’égard d’autrui.

Prof. Dr. Andreas Dettwiler, Theological Faculty, University of Geneva

Andreas Dettwiler

 

Parcours professionnel : études de théologie aux Universités de Berne et de Tübingen, puis assistant aux Universités de Neuchâtel et de Zurich. Entre 1997 et 2004, professeur de Nouveau Testament à la Faculté de théologie de l’Université de Neuchâtel. Directeur ad interim de l’Institut romand d’herméneutique et de systématique de l’Université de Neuchâtel de 2000 à 2004. Depuis 2004 professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Genève. Doyen de la Faculté genevoise de 2009 à 2013.

 

Andréas Dettwiler est l’auteur de nombreux ouvrages. Le dernier, « Dans les coulisses de l’Evangile » est disponible aux Editions Labor et Fides.

 

 

Comment l’Antiquité et la Bible perçoivent la sexualité et l’homosexualité, rencontre avec le professeur Andreas Dettwiler – mardi 20 septembre de 20h à 22h à Dialogai – entrée libre