L’espoir des contrôleurs naturels du VIH

Bicetre

Cas rares, les contrôleurs naturels du VIH intéressent beaucoup les chercheurs. Et pour cause : mieux comprendre leur immunité pourrait mener à de nouvelles armes encore plus efficaces contre le virus. Précisions avec le Pr Olivier Lambotte, du CHU de Bicêtre.

Qui sont les contrôleurs naturels du VIH ?

Des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) très particulières et très rares. Estimés à seulement 500 à 800 en France, ces « HIV Controllers » (HIC) ont l’extraordinaire capacité de contrôler spontanément et durablement la multiplication du virus, et ainsi de ne pas développer de stade sida, en l’absence de tout traitement. Plus précisément, on considère qu’un HIC est une personne vivant avec le VIH et sans traitement depuis au moins cinq ans et dont les cinq dernières charges virales [NDLR : mesure du nombre de copies du virus dans le sang] sont inférieures à 400 copies/ml, soit quasiment indétectables.

Depuis quand étudiez-vous ces personnes ?

Depuis leur découverte, en 2005, par deux équipes indépendantes : celle du Pr Bruce Walker, de la Harvard Medical School (Boston, États-Unis) et la mienne. Aujourd’hui, les HIC focalisent l’attention de plusieurs dizaines d’équipes dans le monde. En France, ils sont suivis par un consortium d’une quinzaine de laboratoires dans le cadre de la cohorte Codex de l’ANRS.

Pourquoi intéressent-ils tant la recherche ?

Parce qu’ils représentent un formidable modèle de contrôle naturel du VIH, que l’on espère pouvoir un jour reproduire chez les autres PVVIH. On pourrait ainsi significativement améliorer leur prise en charge. Il faut rappeler que si les traitements antirétroviraux (ARV) actuels sont très efficaces, ils doivent cependant être pris quotidiennement.

Ce qui est contraignant et peut induire des effets indésirables et une non-observance. Aussi, dans le cadre de la stratégie de recherche mondiale Towards an HIV Cure, l’un de nos objectifs est de trouver de nouvelles stratégies thérapeutiques, soit pour une éradication du VIH, soit plus probablement pour une guérison « fonctionnelle » permettant de se passer de traitement quotidien, sans élimination complète du VIH. Si on parvenait à mimer le contrôle des HIC chez les autres patients, ces derniers pourraient se passer des ARV pendant au moins plusieurs mois.

Et concernant la recherche d’un vaccin préventif ?

Dans la mesure où les HIC bloquent la réplication du VIH, stoppant ainsi la contamination de nouvelles cellules, on espère que leur étude aboutira également sur de nouvelles pistes de recherche pour un vaccin empêchant l’infection. Mais on est encore loin d’un vaccin préventif… Quoi qu’il en soit, il nous faut auparavant mieux comprendre les mécanismes moléculaires et immunitaires des HIC.

Qu’a-t-on appris sur ces processus ?

Tout d’abord, on a découvert que l’état singulier des HIC n’est pas dû à une infection par un virus avec des gènes mutés qui le rendraient moins virulent, mais à des caractéristiques qui leur sont propres. Plusieurs travaux ont mis en évidence que les HIC présentent souvent une protection génétique particulière contre le VIH, susceptible de favoriser une bonne réponse immune. Par exemple, 50 % d’entre eux (contre 3 % de la population générale) possèdent le gène HLA-B57, qui permet aux cellules de produire une protéine capable de montrer des morceaux de virus au système de défense de manière très efficace.

Autre découverte : les populations de lymphocytes CD8 et CD4 anti-VIH (des cellules immunitaires particulières) sont préservées et restent efficaces chez nombre d’HIC, limitant ainsi la multiplication du virus.

La recherche a donc déjà fait d’importantes avancées…

Oui, mais on est loin d’avoir tout compris. Par exemple, on ne s’explique toujours pas le pourquoi de la surreprésentation du gène HLA-B57 chez les HIC. De plus, certains HIC n’ont pas ce gène et/ou des CD8 très efficaces… Comment contrôlent-ils alors le virus ? Cela reste un mystère.

Un dernier message important ?

J’aimerais que les HIV Controllers et leurs médecins sachent qu’ils sont cruciaux pour la recherche. La participation d’un plus grand nombre à la cohorte Codex est primordiale : en France, ils ne sont que 250 à participer à cette étude… Toute personne désirant y être incluse peut me contacter.

Contact : Service de médecine interne et maladies infectieuses au

CHU Bicêtre – tél. : +33 (0)1 45 21 27 83 – olivier.lambotte@bct.aphp.fr

 

Source : magazine transversal mars/avril 2015 disponible au format pdf