Pénalisation de l’homophobie – Robert Cramer revient sur l’intervention faite au Conseil des Etats

NATIONALRAT, PARLAMENTSWAHLEN, KANDIDAT, GP GENF, GRUENE GENF, LES VERTS GENEVE,

Il est temps de mettre fin à la discrimination basée sur l’orientation sexuelle

 

 

 

 

Par 22 voix contre 13, le Conseil des États a malheureusement décidé de ne pas donner suite à une initiative du Grand Conseil genevois, visant à mettre fin à la discrimination basée sur l’orientation sexuelle.

 

Le Grand Conseil genevois a transmis aux Chambres fédérales un projet qui vise à ancrer dans la législation l’interdiction de discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Premièrement en modifiant l’article 8 de la Constitution fédérale et deuxièmement en complétant l’article 261bis du Code pénal.

 

La majorité du Conseil des Etats, lors de sa séance du 23 septembre, a malheureusement estimé qu’il n’y a pas de nécessité de légiférer en matière constitutionnelle, puisque la doctrine et la jurisprudence étendent les effets protecteurs de l’article 8 de notre Constitution également aux discriminations qui sont liées à l’orientation sexuelle.

 

 On peut regretter cette prise de position, mais que je ne vais pas la contester parce que je considère que modifier la Constitution fédérale est un processus très lourd. Alors, si on arrive à trouver de façon pragmatique, grâce à la doctrine et à la jurisprudence, une solution satisfaisante, il faut s’en accommoder.

 

 En revanche, s’agissant de la modification de l’article 261bis, je trouve la démonstration faite clairement moins convaincante.

 

En effet, le Conseil des Etats a estimé que l’article 261bis du Code pénal, qui concerne la discrimination et notamment les actes racistes, a été conçu uniquement dans le but de s’aligner sur le droit international. La justification majeure de l’existence de cette disposition est donc de s’aligner sur le droit international, de sorte que l’on comprend que finalement cette dernière est à peu près inutile, et moins on l’applique, mieux on se porte.

 

 Permettez-moi de considérer que tel n’est pas le cas. Le but de cette disposition est d’intervenir dans des cas de discrimination importante, où les groupes qui sont discriminés méritent une protection. Sur ce point-là, je n’arrive pas à adhérer au raisonnement consistant à dire: « Vous voulez lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle, mais pourquoi ne pas lutter également contre les discriminations liées à l’âge ou au handicap. »

 

 Mais nous vivons dans une société où les personnes âgées et handicapées sont respectées! Ce sont des personnes qu’on essaie d’aider, qui font l’objet de notre compassion. Tel n’est pas le cas s’agissant des questions liées à l’orientation sexuelle.

 

 Sur ce point, cela vaut la peine de consulter les travaux qui ont été faits au Grand Conseil genevois. Ce dernier a produit, à travers les travaux très approfondis de sa commission, un rapport de 64 pages qui traite des souffrances issues des discriminations liées à l’orientation sexuelle. Ces souffrances s’expriment d’ailleurs souvent au moment de l’adolescence par des comportements suicidaires. Le taux de suicide est beaucoup plus élevé parmi les jeunes homosexuels et ces souffrances ont une cause.

 

Personne n’injurie des gens parce qu’ils sont âgés. Personne n’agresse des gens uniquement parce qu’ils sont handicapés. Personne ne vole des gens parce qu’ils sont handicapés ou âgés et personne ne les viole pour cela. Mais, cela arrive régulièrement à des gens en raison de leur orientation sexuelle.

 

Il y a des statistiques – dont d’ailleurs une partie est annexée au rapport que notre commission a reçu de la part de la commission du Grand Conseil genevois – qui montrent que, non seulement ces agressions sont fréquentes, mais qu’en plus elles ne sont pas en voie de diminution. Avec des chiffres sur une dizaine d’années – en l’occurrence sur la période 2002-2011 -, on s’aperçoit que ces agressions sont plutôt en augmentation. Il existe donc un besoin d’agir.

 

A Genève, le Grand Conseil en tout cas a estimé que tel était le cas puisque, lorsque le rapport a été adopté par le Grand Conseil, il n’y a eu qu’une abstention et qu’une opposition parmi les députés qui ont participé au vote.

 

Le canton de Genève n’est pas seul à considérer qu’il existe un besoin d’agir, mais c’est également le cas au parlement fédéral. Parallèlement à cette initiative cantonale existe l’initiative parlementaire, « Lutter contre les discriminations basées sur l’orientation sexuelle », qui propose également une modification de l’article 261bis du Code pénal. Au-delà de cela, un rapport attendu pour 2016 devrait confirmer la nécessité d’agir.

 

On est, aujourd’hui, en train de mener des combats d’arrière-garde. On retarde une modification législative qui, de toute façon, interviendra un jour ou l’autre.

 

Mais ces combats d’arrière-garde sont coûteux. Ils sont coûteux en termes de souffrance, ils sont coûteux pour toutes les personnes qui, aujourd’hui, au quotidien sont victimes de ces discriminations. Bien sûr, il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas une norme pénale qui va changer le monde. Il est également nécessaire de continuer des actions de prévention, de continuer le travail éducatif qui se fait dans les écoles, de continuer à sensibiliser les forces de l’ordre. Mais en même temps que la poursuite de tout ce travail, il est également nécessaire d’avoir une norme pénale qui ancre clairement dans notre législation qu’il y a un certain nombre de discriminations qui sont réelles et non pas imaginaires et que ces discriminations sont totalement inadmissibles.

 

Parce que si vous estimez que la phrase « tous les homosexuels devraient aller dans des camps de concentration » est une phrase qui est totalement inadmissible et qu’elle n’a pas sa place dans le discours qui peut être tenu dans notre pays, vous ne pouvez arriver qu’à la seule conclusion qu’il faut compléter l’article 261bis du Code pénal. Pour ce faire, il n’est pas nécessaire d’attendre des rapports de l’administration prévus pour 2016.

 

(Texte adapté de l’intervention faite au Conseil des Etats)