Exposition « Fils de … » aux Bains des Pâquis – Une des photos saccagée

Une des photos de l’expo a été complètement saccagée. Cassé en deux endroits, le panneau portant le visage de Lola avait été placé en tête de l’exposition parce que le témoignage de Lola traitait d’un sujet sensible en Suisse : l’adoption par des couples homoparentaux.

« Pour moi, l’adoption par les couples homosexuels est quelque chose de tellement naturel que je n’y vois même pas matière à débat. L’important, c’est l’amour qu’on peut donner à un enfant, pas le schéma familial. »

Message insupportable pour certains, apparamment, plus que l’ensemble des autres témoignages.

 

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Dialogai présente, avec le soutien de l’Association des Usagers des Bains des Pâquis, l’exposition

Fils de …

30 portraits de filles et de fils de parents homosexuels

Photographies de Zabou Carrière

Textes de Taina Ternoven

L’exposition sera visible du 1er au 18 aout aux Bains des Pâquis.

Le vernissage aura lieu le lundi 5 aout, à 11h00

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C’est le première fois qu’un livre et une exposition donne ainsi la parole aux enfants des homosexuels.

Fils et filles… de leurs parents

Ils ont entre 18 et 87 ans, ils vivent dans de grandes villes ou dans de petits villages. Ils n’ont en commun que le fait d’être majeur et d’avoir au moins un parent homosexuel. Ils ont accepté de partager leur histoire et de poser devant l’objectif de la photographe. Pendant un an, les rencontres se sont succédé, le fruit du bouche à oreille et du hasard.

 

Trente portraits, trente histoires.

Trente regards sur la famille.

 

Parfois la question nous était posée : pourquoi vouloir catégoriser ainsi ? N’y a-t-il pas là le danger d’étiqueter, de pointer du doigt ? En effet, un enfant ne s’intéresse pas à la sexualité de ses parents.

Alors pourquoi un livre sur des fils et des filles de parents homosexuels ?

Peut-être pour donner à voir ce qu’ils ont en commun avec tout un chacun :

une histoire de filiation, heureuse, douloureuse, comme toutes les filiations.

Que celle-ci se soit construite avec des parents homosexuels importe peu, au fond. Comme le dit l’un

d’eux : « L’homosexualité, c’est quelque chose d’accessoire. Ce qui importe dans une histoire de famille, c’est tout le reste. La séparation, le deuil, les secrets. »

Ou comme le conclut une autre : « Ma famille, c’est de la présence au quotidien, de l’éducation, du bonheur, des souvenirs, des disputes, des valeurs transmises, des échecs… ».

 

Pourquoi alors un livre sur ces fils-là, ces filles-là ?

Peut-être pour rappeler que dans les débats idéologiques des « pour » et des « contre », il y a une parole qu’on n’entend pas : celle de l’intime. Cette parole ne proclame rien, elle n’est pas là pour revendiquer, mais simplement pour raconter la réalité d’une histoire familiale.

Toutes les étiquettes deviennent alors futiles.

Le livre aurait pu s’appeler « Enfants d’homos ». Il s’appelle « Fils de… » parce que c’est ce que nous sommes tous : fils ou filles de nos parents.

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Trois questions à Taina Tervonen et Zabou Carrière,
Journaliste et photographe indépendantes, Taina Tervonen et Zabou Carrière travaillent ensemble depuis 2003, souvent sur des sujets au long cours et des enquêtes de terrain.

1. Vous avez débuté ce travail en 2009, trois ans avant les débats sur le mariage pour tous en France. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce sujet?

Taina: Cela faisait plusieurs années que je travaillais sur la famille, y compris sur l’homoparentalité. C’est un sujet souvent traité sur le modèle du « pour » et du « contre », avec des prises de positions idéologiques et militantes – ou des paroles d’experts. On n’entendait jamais les principaux concernés: les enfants, devenus adultes. C’est leur parole qui m’intéressait, leur regard sur leur parcours de vie, sur leur famille. Je voulais faire entendre cette parole du vécu qui s’inscrit dans le registre de l’intime et non pas dans un registre militant.

2. Votre travail combine de la photographie et du texte. Pourquoi cette forme?

Zabou: Quand nous avons commencé ce travail, cela faisait six, sept ans que nous travaillions ensemble principalement pour la presse écrite. Taina écrit, je fais les photos. C’était ni plus ni moins une suite logique. Nous avons travaillé parallèlement sur le livre qui reprend des textes plus longs et l’exposition dont les textes ont dû se limiter à une phrase. Je voulais, quant à moi, montrer les gens sans artifices pour que ce ne soient qu’eux le sujet de la photo et pas un éventuel décor qui aurait distrait. Je les ai beaucoup dirigés pendant la prise de vue, cherchant à ce que leur regard nous attire et que nous puissions nous y plonger. Je cherchais, je crois, une présence forte mais douce évitant toute forme d’affirmation.

3. Que retenez-vous de ce travail? 

Taina: J’en retiens surtout de formidables rencontres, que ce soit avec les trente « fils de… » ou avec le public. L’exposition a été montrée dans sept lieux différents depuis 2011, et souvent, les visiteurs finissent par évoquer leur propre famille. Parce que c’est ce qu’on partage tous: une famille, une appartenance, des racines.

Zabou: Quelque chose qui s’est clairement dessiné au fil des rencontres, c’est aussi la façon dont l’homosexualité a été vécue à travers les époques. Ces récits parlent de cela aussi en filigrane : de la clandestinité, à la liberté en passant par la honte et la difficulté d’acceptation… un sacré chemin parcouru !