Cameroun : trois ans de prison pour une déclaration d’amour par SMS.

La cour d’appel de la chambre correctionnelle de Yaoundé a confirmé, lundi 17 décembre, la condamnation du Camerounais Roger Mbédé, 32 ans, à trois ans de prison ferme pour homosexualité.

En première instance, Roger Mbédé avait été condamné pour délit d’homosexualité sur la personne de Christophe Foendi, à qui il avait déclaré sa flamme dans trois SMS. Dénoncé par le destinataire des missives, il avait été arrêté chez ce dernier, alors qu’ils discutaient tous les deux, habillés, dans le salon.

« Cette condamnation est scandaleuse. Les conditions du délit d’homosexualité ne sont pas réalisées, comme le soutenait d’ailleurs le procureur », réagit Me Saskia Ditisheim, avocate au barreau de Genève et présidente de la branche suisse d’Avocats Sans Frontières.

L’avocate ajoute que la décision de la cour d’appel n’est « pas conforme au droit mais conforme soit à l’ignorance de la loi soit à l’homophobie des juges. Nous allons bien évidemment saisir la Cour suprême d’un recours. »

Si le jeune homme avait été libéré à l’été 2012 pendant la durée de son jugement en appel, il devra désormais retourner en prison afin de purger le reste de sa peine. La confirmation de la condamnation pour homosexualité a choqué, d’autant plus qu’elle venait après les propos d’un magistrat camerounais qui avait déclaré que les charges retenues contre Jean-Claude Roger Mbédé étaient « incohérentes » et « sans fondement ».  « Cette nouvelle est tragique pour Roger, et une honte pour l’ensemble du système judiciaire camerounais, a affirmé Michel Togué un de ses avocats, qui a également annoncé porter l’affaire en cassation.

Son traitement judiciaire a déclenché de nombreuses réactions internationales depuis les débuts de l’affaire. Human Rights Watch ou Amnesty International ( qui a adopté Roger comme prisonnier d’opinion) ont en particulier condamné dès 2011 les poursuites dont il est victime. D’autres organisations, dont All Out, continuent à demander au président camerounais Paul Biya de lever les charges retenues dans ce procès et d’abroger les lois homophobes en vigueur au Cameroun. « Désormais, il revient à M. Biya de mettre fin aux lois homophobes et de faire relâcher les détenus condamnés pour homosexualité » a ainsi déclaré Andre Banks, Directeur exécutif d’All Out.

Avant l’audience, les avocats de Jean-Claude Roger Mbédé (Alice Nkom et Michel Togué) ont déclaré avoir reçu des menaces de mort : « J’ai été menacée de mort par SMS et par mail uniquement parce que je m’obstine à vouloir faire respecter les droits humains, a expliqué Alice N’Kom. Mais je ne baisserai pas les bras. Les lois homophobes permettent de poursuivre des innocents au lieu de les protéger. Nous ne pouvons accepter cela. »

Selon Me Saskia Ditisheim, « il est temps que le président Paul Biya sorte de sa torpeur et fasse régner un semblant d’état de droit dans son pays. Il n’est pas admissible que pour toute réponse, suite aux graves menaces proférées à l’encontre de Me Michel Togué et sa famille, la police lui conseille d’arrêter de défendre des personnes poursuivies pour le délit d’homosexualité. »

L’homosexualité continue à être condamnée dans plus de 70 pays à travers le monde.

Photos :
Roger Mbédé et ses avocats, Alice N’kom,Saskia Ditisheim et Michel Togué (Jeune afrique)
Roger Mbédé et Me Alice N’Kom (Journal du Cameroun)