« Tango a deux papas » désormais livre réservé aux adultes

tangoA la bibliothèque municipale du Chesnay (Yvelines), sous la pression du Printemps français, le livre « Tango a deux papas » a changé de rayon. L’ouvrage est désormais chez les adultes. Suffisamment en hauteur pour qu’aucun enfant ne puisse l’attraper. Sur BFMTV, le maire UMP de la commune, Philippe Brillaut, s’est félicité de ce compromis.

Le livre, que les enfants chesnaysiens ne liront donc pas, c’est l’histoire vraie de Roy et Silo, un couple de manchots gay. L’illustratrice, Béatrice Boutignon, qui n’a rien d’une fasciste-crypto-perverse-fanatique-du-genre, n’a rien inventé.

Aux Etats-Unis, l’histoire des manchots homosexuels puis homoparents du zoo de New York est très connue. Au zoo de Central Park à NewYork, deux mâles se mettent en couple en 1998. A l’époque, les gardiens du zoo font tout pour qu’ils se séparent et fécondent des femelles, mais rien n’y fait. Ils restent collés. Roy et Silo se mettent même en tête d’avoir un enfant : le nid est construit pour l’accueillir. Ils attendent. A la place de l’œuf impossible, ils finissent par couver une pierre consciencieusement. Avec tant d’application que le staff du zoo décide, deux ans plus tard, de leur faire confiance et de leur donner un œuf fécondé et délaissé par un autre couple. Roy et Silo donne alors naissance à une fille manchot, Tango. Puis, ils l’élèvent jusqu’à sa maturité.

L’histoire est d’abord sortie dans le New York Times, en mai 2004. Puis elle circule un peu partout (Libération en fait même un article). En 2005, Roy et Silo se séparent, l’un des deux a « refait sa vie » avec une femelle.

Béatrice Boutignon et son éditrice ont toutes les deux été séduites par cette histoire. L’illustratrice et peintre de 35 ans a fait des recherches sur le couple de manchots, puis elle a dessiné l’album en trois mois. En 2010, il sort dans l’indifférence la plus totale.

La « théorie du genre », l’homoparentalité, Béatrice Boutignon y pense, mais de loin, et pas quand elle dessine. L’impression d’avoir fait quelque chose d’important et de fort est venue après la publication de « Tango ». Béatrice Boutignon raconte les retours positifs des lecteurs et des profs, contents d’avoir un « si bon outil de travail ». Elle a aussi aimé faire la tournée des écoles :

« Le passage que j’aime le plus, c’est quand je raconte que le zoo tente de séparer les manchots. Les enfants sont scandalisés, ils s’y opposent, ils ne comprennent pas pourquoi on ferait ça. Les enfants trouvent tout ceci très banal, ils ne voient pas le problème. Une fois, l’un d’eux a quand même demandé où était la maman. J’ai dit qu’il n’y en avait pas dans cette histoire, la réponse a eu l’air de lui aller. »

air de familles

L’année dernière, l’illustratrice a eu envie d’aller plus loin. Elle a publié un ouvrage qui pousse les enfants à réfléchir à tous les modèles familiaux. « Un air de familles, le grand livre des petites différences » aurait toute sa place sur la liste des livres dépravés et « homosexualistes » de Salon beige, un blog affilié au Printemps français, mais il n’a pas encore été repéré.

En février 2013, au moment du débat sur le mariage gay à l’Assemblée, la ministre Dominique Bertinotti a fêté la centième heure de débat en offrant l’ouvrage à l’ensemble des parlementaires de la majorité.

Dans le livre, le lecteur croise un père crocodile et veuf qui se brosse les dents au rythme de ses trois enfants. Deux mères poules en couple, qui se déplace en moto. Ou ces papas chiens qui emmènent leur fils au musée.

Le ton du livre est à nouveau simple, factuel, sans leçon de morale : « Les familles mangent ou dorment, elles ne font que des trucs du quotidien. Elles existent. La seule chose que l’on peut dire, c’est que je mets d’un point de vue graphique tous les couples sur le même pied d’égalité. »

Source : Nolwenn Le Blevennec | Journaliste

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