Homophobie: « Salut… C’est Simone… J’ai 21 ans… On s’est toujours moqué de moi: la vie est difficile ». Puis, plus rien.

Témoignage poignant, calme et lucide. Ce sont bien les petites méchancetés, vexations et insultes proférées à mi-voix dans le dos  par ses collègues, qui ont fini par l’emporter:  suicide du onzième étage d’un bâtiment industriel abandonné. Il avait 21 ans…

 

 Andrea Ostinelli de Dialogai a été interviewé à propos de l’homophobie (phénomène, données, vécus et prévention) par la RSI-ReteUno ( Interview )

Ci-dessous l’ Article de l’édition romaine du Corriere della Sera qui relate les circonstances de la mort de jeune homme. Traduction d’Andrea Ostinelli.

 

 Rome,  le jeune homme de 21 ans avant de se tuer. Le parquet acquiert les transcriptions des appels

«Je comprends les gays suicidés»
Les dix appels de Simone

 

A la centrale anti-homphobie: «Les collègues me pointent du doigt dans les couloirs. Au travail, je les entends qui disent « pédé ». Maintenant, ils me discriminent»

 Funérailles bon

I funerali di Simone a Roma (La Presse)

ROMA – «Gay Help Line, salut, je suis Maurizio….» . «Salut… je m’appelle Simone… j’ai 21 ans… je voulais te dire… Les garçons qui se sont… suicidés… parce qu’on disait qu’ils étaient gays… je comprends comme il se sentait… leur état d’âme… Parfois, moi aussi, j’ai envie de le faire…». Ce n’est pas un appel désespéré. Simone est secoué mais lucide. Il ne pleure pas. Deux semaines après, la nuit entre le 26 et le 27 octobre, il le trouve mort aux pieds d’un bâtiment à la Pantanella [quartier de Rome, NdT], sur la rue Casilina. Il s’est laissé tomber du onzième étage.

Dans les deux derniers mois de sa vie il avait numéroté une dizaine de fois le 800713713, le numéro du contact center anti-homophobie et anti-transphobie pour personnes gay, lesbiennes et trans géré par la Commune de Rome, avec la Région Latium et le Département de Rome, dont le personnel est composé de bénévoles des associations homosexuelles.

«Je cherchais quelqu’un à qui parler». Parfois il donnait son nom et se racontait. Autrefois, il appelait sous couvert de l’anonymat. «Je suis un étudiant infirmier… je suis en stage… lorsque je traverse les couloirs, j’entends des voix dans mon dos… ils se demandent si je suis “pédé”… gay… les collègues… je les vois me pointer du doigt… ils font des blagues».

Les extraits de ces appels – une synthèse fournie par les travailleurs – ont été acquis par le Parquet de Rome qui mène l’enquête, en l’état contre inconnus, avec l’hypothèse d’instigation au suicide. Trouver un seul responsable du climat de discriminations que le jeune de 21 ans ne serait pas seulement difficile, ce serait réducteur.

«J’en ai marre de moqueries et vexations…ça continue comme ça depuis que j’allais au collège… e puis au lycée… l’université… maintenant au travail». Comme c’était déjà le cas dans sa lettre d’adieu, qu’il avait sur soi, elle aussi acquise au dossier.  Simone ne fait pas de nom ni décrit des épisodes. Mais les années de mauvais moments vécus ne l’ont pas rendu moins sensible, au contraire.

«A l’école on se moquait de moi… on me maltraitait… ils étaient plus agressifs… maintenant, je sens les yeux sur moi… je ressens la discrimination de mes collègues ». Des idées répétées dans ces appels qui se terminaient presque toujours dans le temps maximal octroyé: 20 minutes chacun. Jamais un mot sur sa famille, avec laquelle, pourtant, il avait un excellent rapport. Sa sœur lui été très attachée, il aimait se balader en compagnie de sa mère.

«L’Italie est un pays libre  mais il y a les homophobes. Ceux qui ont ces attitudes doivent se confronter à leur conscience ». C’est ce qu’il était écrit dans la lettre trouvée dans la sacoche du jeune homme. Fabrizio Marrazzo, fondateur du Gay Center, recommence par ces idées: «La prévention est nécessaire, il faut inclure l’homophobie entre les délits d’opinion. Je ne sais pas comment l’enquête va se terminer, mais le cas de Simone pourrait bien être l’un de ceux, trop nombreux, dans lesquels plusieurs voix n’en font qu’une seule. Tous coupables, aucun coupable. Et il faut sensibiliser. Aujourd’hui encore nous rencontrons d’énormes difficultés pour avoir accès aux écoles et parler de cela ».

C’est sur le toit d’un ex établissement pour la production de pâtes à Porta Maggiore, que le jeune âgé de 21 ans a choisi d’en finir avec ses tourments. Simone y était allé seul, comme l’a vérifié la police scientifique. Pourquoi est-il allé là-bas? C’est l’un des points que l’enquête menée par le procureur Antonio Clemente et coordonnée par le procureur adjoint Pier Filippo Laviani cherche à comprendre. L’on examine les amitiés et les rapports professionnels du jeune homme, qui n’aurait jamais bénéficié des services mis à disposition par la ligne d’aide à tous ceux qui appellent: aide à porter plainte, soutien psychologique, groupes d’écoute.

«Salut… c’est Simone… j’ai 21 ans… on s’est toujours moqués de moi: la vie est difficile ». Puis, plus rien.

07 novembre 2013

 

© Corriere della Sera  RIPRODUZIONE RISERVATA

Par Fulvio Fiano