Les députés russes ont adopté mardi 11 juin deux lois critiquées par les militants des droits de l’homme une punissant tout acte de « propagande homosexuelle devant mineur » et et l’autre réprimant les « offenses aux sentiments religieux ».

La loi contre la propagande homosexuelle a été adoptée à la Douma en deuxième lecture, et dans la foulée en troisième et dernière lecture par 436 députés. Un seul s’est abstenu et aucun n’a voté contre.  Après les débats qu’avaient suscités sa première lecture en janvier, de nombreux amendements avaient été déposés et son intitulé modifié, remplaçant le terme « homosexualité » par « relations sexuelles non traditionnelles ». « Les relations sexuelles traditionnelles sont des relations entre un homme et une femme », avait déclaré en introduction des débats mardi Elena Mizoulina, députée du parti Russie juste (centre gauche) et coauteur du texte. « Ces relations ont besoin d’être protégées par le gouvernement », a-t-elle ajouté.

« Quels que soient les termes employés dans la loi, il n’en reste pas moins qu’il s’agit de discrimination et de violation des droits » des LGBT (lesbiennes, gay, bi et trans), a dénoncé l’ONG Human Rights Watch, dans un communiqué.

Selon la loi, une personne physique risque de 4 000 à 5 000 roubles d’amende (100-125 euros), une personne dépositaire de l’autorité publique de 40 000 à 50 000 roubles (1 000-1 250 euros) et une entité juridique de 800 000 à un million de roubles (19 000-23 500 euros). Les sanctions sont encore plus sévères si cette propagande est effectuée sur Internet, et prévoient que les entités juridiques pourront être fermées jusqu’à 90 jours.

Les étrangers risquent aussi une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 roubles, et pourront, en outre, être détenus 15 jours et expulsés. Plusieurs militants homosexuels étrangers, comme le Britannique Peter Tatchell, se rendent régulièrement en Russie pour apporter leur soutien aux manifestations gays, régulièrement interdites par les autorités et dispersées sans ménagement par la police. Plusieurs assemblées locales ont déjà adopté des textes similaires, dont celle de Saint-Pétersbourg, la deuxième ville du pays.

Le délégué du Kremlin pour les droits de l’homme, Vladimir Loukine, a dit mardi craindre la façon dont sera appliquée la loi. « Si elle est appliquée avec sévérité et sans discernement, cela peut faire des victimes et aboutir à des tragédies humaines », a-t-il déclaré, cité par l’agence Interfax.

Une vingtaine de personnes avaient été interpellées dans la matinée lors d’échauffourées entre militants homosexuels et partisans de la loi devant le bâtiment de la Douma. La plupart des personnes arrêtées semblaient être des partisans de la cause gay. Le terrain est propice en Russie aux discours homophobes – l’homosexualité a été considérée comme un crime depuis l’époque soviétique et jusqu’en 1993, comme une maladie mentale jusqu’en 1999.

Selon un sondage de l’institut Vtsiom, 88 % des Russes soutiennent l’interdiction de la propagande homosexuelle. Par ailleurs, 54 % des Russes pensent qu’il faut punir l’homosexualité. Récemment, plusieurs cas de meurtres pour homosexualité ont été recensés dans le pays.

Les députés russes ont aussi adopté une loi réprimant les « offenses aux sentiments religieux des croyants » par une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison, par 308 voix pour et deux contre. Le texte a été élaboré à la suite de l’affaire des Pussy Riot, un groupe contestataire dont deux membres purgent une peine de deux ans de camp pour avoir chanté une prière anti-Poutine dans la cathédrale de Moscou.

Le groupe est devenu depuis un symbole de la protestation contre le régime de M. Poutine, revenu au Kremlin en mai 2012 pour un troisième mandat de président et accusé par l’opposition d’atteintes aux libertés. L’ex-dissidente soviétique Lioudmila Alexeeva a estimé que « toutes ces lois draconiennes adoptées par la Douma sont adoptées pour être appliquées de façon ciblée à l’encontre de tous ceux que le pouvoir juge indésirables ».

Source : AFP