Violences et harcèlement : le quotidien des défenseurs des LGBT au Cameroun

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Un rapport édifiant sur la situation des minorités sexuelles au Cameroun vient de paraître aujourd’hui. Intitulé Cameroun : Les défenseurs des droits des personnes LGBTI confrontés à l’homophobie et la violence, le document (à lire ci-dessous) est écrit par l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme, suite à une mission d’observation internationale. Ce rapport accable les autorités camerounaises sur la situation des minorités sexuelles sur son territoire.

 

La mission de l’Observatoire, dont résulte ce rapport, s’est déroulée du 6 au 16 janvier 2014 et se base sur de nombreux témoignages des autorités camerounaises, des défenseurs des droits LGBTI (lesbiennes, gays, bi, trans, intersexes), mais aussi des ambassades étrangères sur place et des médias locaux. Elle a pour objectif d’analyser le contexte socio-juridique de protection des défenseurs des droits humains au Cameroun, et en particulier des défenseurs des droits des personnes LGBT.

 

État d’Afrique de l’Ouest peuplé de 20 millions d’habitants et dirigé par le président Paul Biya depuis 1982, le Cameroun est l’un des 38 États Africains disposant d’une législation criminalisant l’homosexualité. Les 40 pages rendues par l’observatoire pointent de nombreuses entorses faites aux Droits de l’Homme par les autorités locales.

 

SOCIÉTÉ HOMOPHOBE

 Malgré une constitution qui garantit « la non-discrimination et l’égalité des droits pour tous les citoyens », les observateurs constatent que la législation camerounaise est incompatible avec de tels principes. Ainsi, l’article 347 bis du code pénal, en contradiction totale avec la constitution, punit les rapports sexuels entre personnes de même sexe d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 5 ans et d’une amende pouvant aller jusqu’à 200 000 Francs CFA.

 

De plus, le rapport stipule que la société et les autorités, y compris politiques, du pays sont extrêmement stigmatisant à l’égard des minorités sexuelles. Les médias locaux ne font qu’aggraver la situation, comme en 2006 lorsque trois journaux ont publié une liste des 50 personnes présumées homosexuelles. De nombreux articles continuent également à associer l’homosexualité avec la pédophilie, le viol, et même la sorcellerie, présentant les relations homosexuelles comme une déviance importée par les occidentaux. Les observateurs dénoncent entre autres le manque de formation et l’ignorance des journalistes camerounais, accusés de vouloir gonfler leurs ventes en versant dans le sensationnalisme.

 

PLUS HAUT TAUX D’ARRESTATIONS

 Bien que la loi pénalise les relations homosexuelles depuis 1972, les poursuites basées sur l’article 347 bis ne sont pratiquées que depuis 2005. Un phénomène récent qui n’empêche pas le Cameroun de détenir le triste record du plus haut taux d’arrestation de personnes LGBT au monde, selon l’association Alternative Cameroun. Pas question de compter sur la justice pour être défendu. La corruption qui gangrène la magistrature entraîne les juges à marchander leurs décisions. Les avocats, selon les interlocuteurs de la mission, ne sont, en majorité, pas plus ouverts sur la question homosexuelles que le reste de la population. Seules quelques rares figures militantes, telles que les avocats Alice Nkom (ci-dessous) ou Michel Togué, s’engagent à défendre les minorités sexuelles.

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Alice Nikom

Les diplomates étrangers, quant à eux, se trouvent bien démunis face à un État qui tolère, voire encourage la haine des homosexuels. Cette situation limite les actions des ambassades qui souhaitent maintenir de bonnes relations avec leur hôte.

 

LES DÉFENSEURS ATTAQUÉS

Menaces de morts, violences, enlèvement, cambriolages et tortures sont le lot quotidien de ceux qui osent s’élever contre cette haine quasi-institutionnalisée. Souvent les associations et leurs membres. Certains arnaqueurs se font passer pour des homosexuels auprès des membres d’associations pour les mettre en confiance, puis tentent de leur soustraire de l’argent en les menaçant de dénonciation auprès des autorités pour homosexualité.

 

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Eric Ohena Lembembe, assassiné en 2013


Mais l’un des pires actes homophobes à ce jour reste le meurtre, le 15 juillet 2013, d’Éric Ohena Lembembe, journaliste et défenseur des droits des LGBT, retrouvé à son domicile, battu à mort. La police est accusée par les témoignages du rapport d’avoir bâclé l’enquête, sans prendre d’empreinte, ni de photos sur les lieux du crime. À ce jour la justice stagne sur cette affaire, et l’inertie des autorités risquerait même d’encourager un sentiment d’impunité sur les actes homophobes selon les observateurs de la mission. L’émoi autours de cet assassinat n’a commencé à être relayé que lorsque les médias étrangers se sont saisis de l’affaire. L’Ambassadeur des États-Unis en personne était présent à l’enterrement du jeune homme. Pourtant, malgré le vent d’émotion international autour de l’affaire, le gouvernement s’était refusé à toute condamnation du meurtre. Roger Mbede et Alim Mongoche sont également décédés à cause de leur homosexualité. Les deux hommes sont morts suite aux mauvais traitements infligés lors de leur incarcération.

 

Au vu de ces nombreux manquements au respect des Droits de l’Homme, le rapport recommande, entre autres, l’abrogation de l’article 347 bis du code pénal camerounais, qui pénalise l’homosexualité, et la tenue d’un discours public fondé sur la non discrimination, la non violence et la tolérance. Des recommandations qui risquent bien d’être sans effet, dans un pays où le porte-parole du gouvernement considère que 95 à 99% des habitants ont des croyances qui vont à l’encontre de l’homosexualité…

 

Voir le rapport de la FIDH

 

Source : Têtu