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La journaliste Mona Iraqi, soupçonnée d’avoir orchestré un raid contre un sauna cairote fréquenté par des homosexuels, a tenté d’utiliser Shnit, dont elle coordonne les activités en Egypte, pour se justifier.

 

Dans la nuit du 7 au 8 décembre dernier, des policiers faisaient irruption dans un hammam du Caire, dans un nouvel épisode de la chasse aux homosexuels lancé par le pouvoir égyptien. Une télévision locale avait filmé l’opération sous la direction d’une certaine Mona Iraqi, journaliste, qui s’était ensuite vantée, sur Facebook d’avoir permis de percer au jour ce «paradis de la débauche», grâce à une enquête réalisée une semaine plus tôt dans l’établissement. Le rafle, et le rôle de la journaliste dans cette dernière avait suscité un tollé mondial.

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Mona Iraqi présente l’émission Al-Mustakhbi sur la chaîne Al-Qahira wal-Nas.

Revirement

Or le blog Itsgoodtobeback a relevé que Mona Iraqi avait d’autres cordes à son arc. Elle est notamment responsable de la section égyptienne d’un festival international du court-métrage basé en Suisse: Shnit. Elle s’est d’ailleurs servie de cette honorable plateforme, soutenue entre autres par l’Office fédéral de la Culture, pour se justifier. Le blog PaperBird a réalisé une capture d’écran d’un communiqué sur le site de Shnit, où la journaliste assurait avoir, dans son reportage, dénoncé des cas d’«exploitation sexuelle» à l’intérieur du hammam cairote. Elle y affirmait, en outre, ne pas être à l’origine de la révélation de ces prétendus agissements à la police. Un virage à 180 degrés par rapport aux déclarations triomphantes qu’elle avait faites sur Facebook au lendemain du raid… et qu’elle a pris soin d’effacer (elles sont toutefois toujours visibles sur les blogs LGBT).

 

Iraqi a même poussé le bouchon jusqu’à prétendre qu’elle a documenté la descente de police pour s’assurer qu’elle était menée «conformément aux normes humanitaires». Pour mémoire, les hommes ont été entravés et embarqués, nus, dans des camions de police. De surcroît, des visages de clients étaient reconnaissables sur les images publiées par la journaliste.

 

 

No comment pendant l’enquête

Shnit, fondé en 2003 à Berne et actif dans huit pays, a mis du temps à réagir. Le 15 décembre, son coordinateur, Olivier van der Hoeven a publié un communiqué en anglais sur la page d’accueil du festival. Il y rappelle que Shnit a une «fière et longue histoire d’inclusion de films, de réalisateurs et de publics de toutes les orientations sexuelles»:

 

«Nous croyons profondément dans la liberté de style de vie et d’expression, et nous condamnons les violations des droits humains sous toutes les formes. C’est la norme que notre festival a respectée depuis douze ans et que nous continuerons à respecter. Naturellement, nous attendons de notre équipe à travers le monde qu’elle fasse de même […] Nous devons nous abstenir de commentaire jusqu’à ce que notre propre enquête, ainsi que celle menée par les autorités égyptiennes, amènent des résultats clairs et définis.»

 

Dans le même temps, le communiqué de Mona Iraqi avait apparemment disparu du site web de Shnit. Le directeur n’a pas donné suite, pour l’instant, à nos sollicitations.

 

 

Procès dimanche 

Les médias internationaux ont annoncé hier l’inculpation de 21 clients et 5 membres du personnel du sauna. Leur procès doit s’ouvrir déjà dimanche. La rapidité de l’instruction, dans un système plutôt connu pour sa lenteur, est le signe de l’extrême détermination de la justice égyptienne sur ce dossier, dernier volet en date d’une campagne de répression contre les homosexuels.

 

Source : Antoine Gessling pour 360°