Les luttes LGBT entrent au musée national de l’histoire américaine

4473874_5_39b4_le-national-museum-of-american-history-qui_8c0fc96bd91cdbc871fc0a4c0cdb1200On trouve au National Museum of American History, à Washington, des trésors nationaux aussi divers que le tout premier drapeau américain, le haut-de-forme d’Abraham Lincoln, la trompette à pavillon incliné de Dizzy Gillespie ou les souliers rouges à paillettes de Dorothy dans Le Magicien d’Oz.

 

Ce musée d’histoire fait partie de la galaxie Smithsonian, qui compte dix-neuf musées gérés par le gouvernement fédéral américain. Sa riche collection s’est étoffée mardi 19 août d’un grand nombre de pièces sur un pan jusqu’ici peu mis en avant de l’histoire officielle américaine : la lutte pour les droits des gays, lesbiennes, bisexuels et transgenres (LGBT).

 

 

« DAVANTAGE DOCUMENTER L’HISTOIRE DE CE PAYS »

Des centaines de photographies, documents et objets détaillant cet aspect de la société américaine sont ainsi entrés dans le fonds du musée, avec des objets emblématiques provenant de tous les Etats américains, aussi bien des milieux politiques et associatifs que sportifs ou culturels.

Parmi eux, les passeports diplomatiques de David Huebner et de son mari. Ce juriste et avocat démocrate n’a pas été le premier ambassadeur américain ouvertement gay, mais le premier à l’officialiser : lors de sa nomination en 2009 par l’administration Obama en tant qu’ambassadeur en Nouvelle-Zélande et aux Samoa, devant le Sénat américain, il a présenté son compagnon et annoncé qu’ils fêtaient le jour même leur vingtième anniversaire de mariage.

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Les passeports diplomatiques de l’ancien ambassadeur américain David Huebner et de son mari. | AFP/MARK WILSON

Figure également dans cette collection une raquette de tennis de l’ancienne joueuse transgenre Renee Richards (née Richard Raskind). Son cas avait fait date en 1976 lorsque la Cour suprême de New York avait tranché en sa faveur alors qu’elle avait été interdite de concourir à l’US Open à la suite des révélations sur son changement de sexe (en 1975) par un journaliste. D’abord médecin, Renee Richards s’était lancée dans une carrière professionnelle à plus de 40 ans, jusqu’à devenir la 20e joueuse mondiale. Elle était ensuite devenue l’entraîneuse de Martina Navratilova – autre militante pour les droits des LGBT, qui deviendra la 1re joueuse mondiale en 1978 –, avant de renouer avec la médecine.

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La raquette de la joueuse américaine transgenre Renee Richards qui, refoulée de l’US Open, avait porté son cas devant la Cour suprême des Etats-Unis, avec succès. | AFP/MARK WILSON

 

« Aux Etats-Unis, il y a toujours eu des personnes non conformes aux genres, et nous avons contribué à l’histoire du pays depuis le début », a déclaré la conservatrice Katherine Ott à l’agence Associated Press. « C’est un aspect dont on ne parle pas assez, qui n’est pas assez analysé et compris dans son ensemble. Ainsi, pour nous, mettre en place cette collection signifie que nous allons pouvoir davantage documenter l’histoire de ce pays. »

 

GRÂCE À « WILL ET GRACE »

La série télévisée « Will et Grace », diffusée de 1998 à 2006 sur NBC en prime time, est également mise en relief. Ses deux créateurs, David Kohan et Max Mutchnick, ainsi que la chaîne, ont fait don de leurs archives, avec des scripts originaux, des documents de casting, des souvenirs de tournage et de nombreux accessoires.

La série racontait le quotidien de deux colocataires new-yorkais, William Truman, un avocat homosexuel, et Grace Adler, une décoratrice d’intérieur complexée. « Ces personnages qui s’invitaient chaque semaine dans le salon des gens sont en quelque sorte devenus leurs amis gays, ce qui était assez nouveau », a déclaré David Kohan à l’agence de presse américaine. « Que la série entre aujourd’hui au musée de l’histoire américaine montre que nous avons fait partie de quelque chose de plus large que ce que nous pensions. »

 

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Des scripts et autres documents de la série « Will and Grace ». | AP

 

 

Pour le conservateur Dwight Blocker Bowers, « Will and Grace » a tout simplement permis de familiariser les télespectateurs américains avec la culture gay. « C’était aussi audacieux et innovant que la série des années 1970 « All in the Family » autour des questions de religion et de tolérance. »

 

« DON’T ASK, DON’T TELL »

Parmi les aquisitions a également été retenue une série de photographies prises par la militante Silvia Ros pendant la Marche nationale pour l’égalité d’octobre 2009 à Washington, lors de laquelle elle a immortalisé des figures de la lutte pour les droits des LGBT, notamment Walker Burttschell, renvoyé de l’armée en 2003 à cause de son homosexualité, qui a serré la main sept ans plus tard à Barack Obama, lorsque celui-ci a signé la fin de la législation discriminatoire « Don’t ask, don’t tell » (ne rien demander, ne rien dire), en vigueur de 1993 à 2011, qui obligeait les militaires homosexuels à taire leur orientation sexuelle, sous peine d’être exclus.

Le Smithsonian a déclaré mardi lors de la cérémonie qui a marqué la création de la nouvelle collection que ces acquisitions s’inscrivent dans « une longue tradition de documentation de toutes les facettes de l’expérience américaine et de ce que cela signifie d’être américain. Le récit LGBT est une part importante de cette histoire, et cela fait de nombreuses années que le Smithsonian rassemble des objets sur le sujet. »

Source : lemonde.fr