20th International AIDS Conference : vers un nouveau mode de prévention du VIH

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Des données extraites de nouvelles études concernant un traitement préventif du VIH par antirétroviraux ont été rendues publiques à la conférence mondiale contre le Sida de Melbourne qui s’est tenue du 20 au 25 juillet. Elles laissent envisager de nouvelles manières de se protéger.

Trente ans que l’épidémie du Sida fait rage et qu’elle décime la population. Trente ans, donc, qu’associations et chercheurs tentent de mettre en place des solutions préventives et d’accompagnement. La conférence mondiale de Melbourne (qui s’est tenue du 20 au 25 juillet) a mis en avant l’efficacité de la prise d’antirétroviraux de manière préventive. Testés aujourd’hui sur les populations à risque et pour l’instant sans effets secondaires, la méthode pourrait-elle se généraliser ?

Comment fonctionne le traitement préventif par antirétroviraux ?

La prophylaxie pré-exposition, ou PrEP, est un traitement préventif ayant pour but de prévenir l’infection par le VIH. Le Truvada est un médicament combinant deux antirétroviraux qui a démontré son efficacité chez les séropositifs depuis plusieurs années déjà. Des études ont été lancées en 2012, notamment Iprex aux Etats-Unis et Ipergay – qui avait fait polémique en France.  Ces études ont cherché à montrer l’efficacité du traitement en fonction de la régularité des prises. Pour être efficaces, les antirétroviraux doivent se prendre au minimum la veille du rapport, le jour même et le lendemain, comme l’expliquent les graphiques d’Ipergay.

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Iprex, menée sur 1603 patients entre 2011 et 2012, annonce une efficacité de 90% pour la bithérapie préventive (Truvada). Les premiers résultats, publiés il y a un an, annonçaient eux 44%. Depuis, la poursuite de l’étude  – avec 76% des participants de départ – et le recul d’un an et demi sur les données ont permis de calculer le taux d’acquisition du VIH. A partir de trois prises par semaine, il tombe à 0,6%, soit une réduction du risque de plus de 90%. D’un autre côté, Ipergay à montré un taux d’observance très élevé chez les patients. Jean-Marie Le Gall, responsable de la mission Innovation recherche à Aides, explique sur le site de l’association : “L’enseignement essentiel, c’est que ces hommes qui font partie du groupe de personnes les plus exposées au VIH sont très intéressés à se saisir d’une offre de prévention nouvelle et qui leur correspond mieux que le seul usage du préservatif”.

Cependant, le CDC (Centre de prévention et contrôle des épidémies) européen a rappelé qu’en l’état actuel il ne pouvait recommander l’usage de la PrEP. Il va donc à l’encontre de la nouvelle position de l’OMS, exprimée vendredi 11 juillet. Cette dernière “recommande fortement aux hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes de considérer la prise des antirétroviraux comme une méthode supplémentaire de prévention face au VIH”. Joint par les Inrocks, Nicolas Etien d’Ipergay nuance : “Actuellement, ces deux études ont dépassé leur phase pilote mais n’ont pas encore évalué l’efficacité de la PrEP”. Les chiffres ont beau être encourageants, il faut quand même rester prudent. D’autant plus que d’autres interrogations subsistent.

Le Truvada augmentera-t-il les comportements à risques ?

L’un des enjeux du Truvada concerne les comportements de la population homosexuelle. La première réponse à apporter nous vient de l’essai Iprex-OLE qui a comparé les pratiques sexuelles des deux groupes testés, avec et sans Truvada. Aucune corrélation entre prise d’antirétroviraux et prise de risques n’a été démontrée. Le Bulletin épidémiologique de l’Institut de veille sanitaire étude menée sur des personnes âgées de 18 à 69 ans sélectionnées par sondage aléatoire, soit 3 014 personnes en 2004 et 4 529 en 2011 a révélé qu’un quart des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes ont pratiqué au moins une relation non-protégée sans connaître le statut de leur partenaire ; ils sont autant à ne jamais se protéger. L’enjeu de la PrEP n’est donc pas de supplanter la capote mais bien de multiplier les manières de se protéger du VIH, c’est-à-dire de prendre acte des pratiques réelles d’une partie ce cette population et d’essayer d’en minimiser les risques au maximum. La PrEP est donc un nouvel outil à ajouter au panel déjà existant, exactement comme lorsque Traitement post-exposition a fait son entrée en 1998. En revanche, aucune donnée sur le lien entre PrEP et les autres infections sexuellement transmissibles n’est pour l’instant disponible.

Quel est son prix ?

Le prix du Truvada aux Etats-Unis, où il est autorisé, est d’une dizaine de milliers de dollars par an. En France, il est pour l’instant trop tôt pour s’intéresser à son possible remboursement. Philippe Mangeot, ex-président d’Act-Up et fondateur de la revue Vacarme, développe : “Oui, c’est un truc de riche, mais il faudra lutter pour que ça ne le soit plus. Mais si ‘les riches’ sont prêts à payer une petite fortune parce qu’un petit bout de caoutchouc les ennuie, pourquoi pas ? Bien sûr que ça va créer des problèmes, des différences, une fois de plus. Mais c’est juste ‘une fois de plus’, ce n’est pas nouveau.”

Quelle place pour la capote ?

Toutes les associations s’alarment à propos de cette question. Les antirétroviraux préventifs n’ont pas vocation à remplacer la capote. Ils sont là en complément d’autres formes de prévention, la population gay étant 200 fois plus exposée au VIH. Toutes n’ont cependant pas les mêmes recommandations. Si Act-Up concentre son travail autour du préservatif, Ipergay préfère accompagner les pratiques réelles de la population. Philippe Mangeot analyse : “La capote, bien sûr que c’est normatif mais il faut réfléchir deux minutes : prendre un antirétroviral c’est contraignant aussi, sans compter les risques d’effets secondaires toujours possible et l’argent individuel que cela coûte. Il y a un moment, si on préfère ça : tant pis, tant mieux !”

Les rêves d’un nouveau Summer of Love ne sont pas encore d’actualité, et le travail d’information concernant les moyens de se protéger du VIH est encore à faire : “Si la PrEP est autorisée et mise en place en France, elle devra être corrélée à un dispositif d’accompagnement et de dépistages réguliers”, rappelle Nicolas Etien d’Ipergay. A la vue de ces premiers résultats, on ne peut cependant qu’espérer que la PrEP devienne un moyen de prévention qui se généralise à l’ensemble de la population.

Source : Les Inrocks