Depuis une dizaine d’années, les hommes gais restent la catégorie de la population la plus touchée par la contamination au VIH. Les campagnes de prévention ont montré leurs limites. Jouer sur la peur ou sur le ludique pour rappeler aux hommes gais de se protéger en utilisant le préservatif, ou encore de cibler des campagnes en fonction des pratiques de certains groupes d’hommes gais n’est plus efficace.  Aujourd’hui, aussi bien les autorités en santé, les médecins que les associations cherchent un moyen pour que sensiblement la moyenne diminue.

homosexuels et risque AUTEUR

C’est dans ce contexte que le chercheur et sociologue français, Gabriel Girard, a entrepris sa thèse de doctorat sur les homosexuels et le risque du sida. (Les homosexuels et le risque du sida : Individu, communauté et prévention)

L’irruption en 1999 du phénomène bareback dans l’espace public français a donné à voir comment se façonne la perception du risque VIH parmi les hommes gais. Cet ouvrage veut apporter un éclairage historique et sociologique sur la fabrication des discours de prévention et sur la manière dont les acteurs de ces débats ont pensé les situations de risque. Gabriel Girard, en s’appuyant sur des points de vue tant théoriques que méthodologiques, développe un éclairage original sur les enjeux contemporains de la santé publique.

Extraits d’un interview réalisé par Fugues.com :

 » …au départ de mon travail, les questions étaient de mieux comprendre pourquoi des hommes gais, qu’il est difficile de nos jours de penser non informés, peuvent prendre le risque d’être infectés ou de transmettre le VIH. Mais aussi de voir pourquoi les discours et les actions de prévention n’atteignent pas toujours leur cible. »

« …la prévention n’est pas seulement une histoire d’information et de volontarisme individuel, mais d’abord une question de mobilisation collective. On ne peut pas simplement demander à des intervenants de distribuer des condoms en rappelant le message de prévention et espérer faire disparaitre ou diminuer les relations sexuelles non protégées. L’action de proximité est évidemment indispensable, mais elle est nécessairement liée à une vision plus large des déterminants socio-politiques de la prévention. »

« La mauvaise estime de soi et l’expérience de l’homophobie sont des éléments importants dans les prises de risque. »

« L’enjeu aujourd’hui est de construire un savoir partagé sur la prévention, un savoir plus transversal, qui tienne compte de toutes les dimensions : psycho-sociales, médicales, communautaires, politiques. »

« Une chose est sûre, l’approche coercitive et moraliste disant que baiser sans capote ce n’est « pas bien », n’est pas la plus efficace, qu’elle vienne du milieu associatif ou médical. En prévention, il faut apprendre à se défaire du jugement moral sur les pratiques. Non pas parce que la prévention n’est pas une question morale : protéger l’autre, se protéger, cela fait appel à des sentiments moraux. Mais surtout parce que le jugement moral renforce le sentiment de honte, peu propice à une sexualité épanouie. »

«  …les nouvelles approches de prévention médicalisées s’appuient beaucoup sur la question du choix, basé sur une évaluation individuelle de ce qui est risqué ou non, en fonction du statut sérologique, des pratiques, de l’usage d’un traitement, etc. Or la sexualité n’est pas qu’une affaire de calcul et d’évaluation : elle implique le désir, le plaisir, mais parfois aussi des rapports de pouvoir ou la contrainte. »

« Je pense qu’il faut ouvrir le débat autour de ces questions, à tous les niveaux et avec tous les acteurs, dont les principaux concernés, c’est-à-dire, les hommes gais. Car il y a derrière la prévention, au-delà des contraintes financières et des décisions de santé publique, des questions d’éthique face au risque qui doivent continuer à être interrogées et discutées. »