Alice Nkom : "Qu'on ne vienne pas me dire que le respect des minorités sexuelles n'est pas africain"
Alice Nkom : « Qu’on ne vienne pas me dire que le respect des minorités sexuelles n’est pas africain »

L’avocate camerounaise de 68 ans vient de recevoir le prix des droits de l’homme de la branche allemande d’Amnesty International, pour son combat pour le droit des LGBT au Cameroun, où l’homosexualité est considérée comme un délit.

Quand elle n’enfile pas la robe noire pour plaider, Alice Nkom se vêt toujours de tenues amples et flamboyantes, auxquelles elle associe avec bon goût le turban qui cache ses cheveux coupés courts. Mais ne vous fiez pas à ses allures de grand-mère gâteau. Alice Nkom est une militante, une battante en constant danger de mort, qui n’a jamais baissé les bras.

La branche allemande d’Amnesty International ne s’y est pas trompé, en attribuant à cette Camerounaise de 68 ans le prix des droits de l’homme. La récompense, accompagnée d’un chèque de 10 000 euros, lui sera remise à Berlin le 18 mars 2014. Elle rend hommage à l’engagement d’Alice Nkom en faveur des droits LGBT (lesbiennes, gays, bi, transgenres), dans un pays où tout rapport sexuel homosexuel est passible de six mois à cinq ans de prison depuis 1972.

 cameroun - smallTrois ans de prison pour un SMS

Dès l’âge de 24 ans, Alice Nkom s’est fait connaître au Cameroun pour avoir été la première femme noire à réussir l’examen du barreau, alors que le métier était traditionnellement réservé aux hommes. Elle dédie sa carrière à la défense de Camerounais victimes de violences policières, de discrimination aussi de ceux “accusés d’homosexualité”.

Un de ces accusés les plus célèbres est Jean-Claude Roger Mbede, arrêté en 2011 et condamné à trois ans de prison pour avoir envoyé une déclaration d’amour par SMS à un autre homme. Le verdict, contre lequel les associations Human Rights Watch et Amnesty International ont protesté, a également été contesté par Alice Nkom son avocate, qui en a fait appel en 2012.

 “Un peu provocateur”

La gagnante du prix Amnesty des droits de l’homme se bat pour les droits des plus faibles depuis le début de sa carrière (longue de 40 ans), mais elle a poussé son combat plus loin en 2003, lorsqu’elle a fondé l’Association de défense des droits des homosexuels au Cameroun (ADEFHO), première organisation non gouvernementale du Cameroun à s’engager pour la protection et la défense des gays.

“J’ai essayé de faire enregistrer l’association à la préfecture. Je savais que c’était un peu provocateur. Je voulais que tout le monde sache que les homosexuels avaient aussi des droits. L’employé de la préfecture m’a dit que je mériterais d’être virée”, confiait-elle au “Guardian” en 2011.

 Menaces de mort

Depuis 2006, elle dédie entièrement sa carrière à la défense de Camerounais accusés d’homosexualité. Un combat qui lui attire les foudres d’un bon nombre de des concitoyens ainsi que du gouvernement camerounais. Régulièrement menacée de mort, elle a dû faire face à l’assassinat de plusieurs de ses proches. Concernant les tentatives d’intimidation qu’elle reçoit par SMS sur son portable, elle explique avoir porté plainte depuis octobre 2012, mais que “la police n’a jamais ouvert d’enquête.”

Si elle avoue prendre ces menaces au sérieux, elle affirme au Guardian que même s’il y a un risque, “lorsque vous faites quelque chose qui est juste, vous le faites, tout simplement. Quelqu’un doit le faire.”

 Peine de mort dans neuf pays

Le prix d’Amnesty International vient s’ajouter à une longue série de récentes consécrations. Classée parmi les “Africains les plus fascinants” de 2012 par le New Yorker, l’avocate a conseillé les plus grands comme Hillary Clinton, et est régulièrement invitée à prononcer le discours d’ouverture des conférences de Human Rights.

“Je suis très contente que ce travail soit reconnu” a-t-elle déclaré après l’annonce de la remise du prix des droits de l’homme, “C’est très courageux de la part d’Amnetsty de s’aventurer dans cette voie.” Une chose est sûre : cette reconnaissance ne pourra que donner encore plus de visibilité au travail de ce vétéran des batailles pour les droits des minorités sexuelles.

Rappelons qu’au-delà du Cameroun, l’homosexualité est pénalisée dans 88 Etats dans le monde, et passible de peine de mort dans neuf pays (Afghanistan, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Iran, Mauritanie, Nigeria, Soudan, Somalie, Somaliland, Yémen).

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