Bordeaux : les homosexuels exclus de la cérémonie d’hommage aux déportés

D’un côté, le cortège des officiels. De l’autre, les homosexuels, triangle rose sur la poitrine. (Photo : L. Theillet)

Au premier rang, le cortège des officiels : déportés, anciens combattants, porteurs de drapeaux, élus, représentants d’État. À l’arrière, la cohorte des bannis, en rangs serrés, un triangle rose renversé sur la poitrine. L’image est saisissante.

Hier midi, dans la cour de l’ENM, tandis que Roger Joly, président de la Fédération nationale des déportés, lit le message en hommage aux « juifs, tziganes et résistants », il n’aura pas un mot pour la mémoire des homosexuels.

« En Europe, même si les historiens ne sont pas d’accord sur les chiffres, on estime leur nombre à 10 000 », rappelle Julien Pellet, délégué régional du mémorial de la déportation homosexuelle, déçu de voir sa communauté mise à l’index. « Surtout dans le contexte actuel où l’on voit refleurir les discours et les agressions homophobes. »

Malgré le changement de majorité gouvernementale, il déplore « l’inertie ». Dans un courrier, Kader Arif, ministre délégué chargé des Anciens combattants, enjoignait les préfets à faire participer à l’hommage officiel « toutes les associations de victimes de la déportation sans aucune exclusive ». En vain.

Le cortège officiel dispersé, une cérémonie officieuse a rassemblé une vingtaine d’homosexuels. Ces derniers ont reçu l’appui de Cécile Chapuis, présidente de la Licra. « Dans le cadre de notre travail, nous considérons qu’aucune victime ne doit être oubliée. Ce combat est le nôtre et celui de la République. Nous espérons que l’année prochaine, vous ferez partie de la cérémonie officielle. »

Même si dans beaucoup de villes le protocole officiel de la Cérémonie d’hommage aux déportés a désormais intégré les associations représentatives LGBT, Bordeaux n’est pas la seule ville où les associations de déportés « traditionnelles » peinent à accepter le droit au souvenir pour les déporté-e-s homosexuel-le-s. La reconnaissance de la déportation pour motif d’homosexualité par les associations traditionnelles d’anciens combattants et de déportés a déjà pris du temps, beaucoup de temps. Environ soixante ans ! A quand une réelle acceptation ?