Quatre ONG internationales contre le harcèlement des homosexuels au Cameroun

Le Cameroun poursuit des personnes en justice pour relations consenties entre personnes du même sexe avec plus d’ardeur que presque tout autre pays dans le monde, ont déclaré quatre organisations de défense des droits humains dans un rapport publié aujourd’hui. Ces organisations – Alternatives-Cameroun, l’ Association pour la défense des Homosexuel-le-s (ADEFHO) , l’association Cameroonian Foundation for AIDS (CAMFAIDS) et Human Rights Watch – ont constaté que depuis 2010, 28 personnes au moins ont fait l’objet de poursuites judicaires pour relations homosexuelles au Cameroun. La plupart des affaires ont été marquées par de graves violations des droits humains, notamment des actes de torture, des aveux extorqués, le refus d’un accès à une assistance juridique, et un traitement discriminatoire de la part des agents des forces de l’ordre et des autorités judiciaires.
Le rapport de  59 pages, intitulé « Coupables par association : Violations des droits humains commises dans l’application de la loi contre l’homosexualité au Cameroun », présente dix études de cas portant sur des arrestations et des poursuites menées en application de l’article 347 bis du code pénal camerounais, qui punit les « rapports sexuels avec une personne de son sexe » de peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans. Le rapport a constaté que la plupart des personnes mises en accusation pour homosexualité sont condamnées sur la base de preuves plutôt minces, voire inexistantes. Le rapport comporte de nombreux cas dans lesquels la loi contre les relations homosexuelles a été utilisée pour régler des comptes, montrant à quel point la loi est facilement sujette aux abus. Des dizaines de Camerounais purgent des peines de prison uniquement parce qu’ils sont soupçonnés d’être gays ou lesbiennes, selon les constatations des quatre organisations.

Il existe une loi anti-homosexualité au Cameroun depuis 1972. En réalité, quatre-vingt-sept autres pays dans le monde possèdent également une loi pénalisant les homosexuels. La différence, c’est que le Cameroun est le seul pays à la pratiquer. Depuis toujours, il subsiste dans ce pays une réelle atmosphère homophobe, généralement transmise par l’éducation et la religion. Les personnalités religieuses du pays dénoncent régulièrement les homosexuels, qu’ils considèrent comme des “intrus dans la société“. En 2005, les médias camerounais ont transmis une liste appelée “top 50“. Dans cet inventaire, on retrouve toutes les personnes haut placées du pays, recensées comme homosexuelles (politiques, avocats, médecins). Une sorte d’humiliation publique destinée à nourrir l’idéologie homophobe. Dès lors, la guerre est franchement déclarée contre les homosexuels. Les poursuites judiciaires pour homosexualité s’en suivent de plus belle, et c’est justement ce sur quoi les ONG veulent aujourd’hui mettre la lumière.

Au Cameroun, la loi peut condamner entre six mois et cinq ans de prison toute personne ayant des rapports sexuels en public avec une personne du même sexe. Dans la plupart des cas, la loi est largement sujette à des abus généralisés. À partir du mois d’octobre 2012 et jusqu’en février 2013, une dizaine d’études de cas ont été réalisées. Et dans chacune d’elle : violence, abus, et injustices, indiquent les associations. En 2011, deux hommes ont été arrêtés car des préservatifs et du lubrifiant avaient été retrouvés chez eux. À l’origine, les policiers fouillaient leur maison pour des soupçons de vol d’ordinateur.

Certaines personnes dans la rue sont arrêtées par des agents de police pour “tentative d’homosexualité”. Dans certains quartiers, les hommes se font taper quotidiennement étant considérés comme “efféminés”. Au poste de police, même combat. Dans certains cas, des hommes ont du subir une auscultation afin de “vérifier si la personne avait déjà eu une pénétration anale“. Cet examen n’a aucune valeur scientifique et généralement, il est surtout utilisé comme humiliation. Du côté de la police, on se cache derrière la loi anti-homosexualité. “C’est lorsqu’ils font quelque chose en public, qui constitue une menace pour notre société” indique le chef de la police camerounaise, Martin Mbarga Nguélé.

On recense aussi des abus de pouvoir et de la corruption généralisée. Des personnes accusées d’homosexualité versent en effet des sommes d’argent ahurissantes aux agents de police ou à d’autres qui les menacent de chantage. Sur les sites de rencontres gay, plusieurs personnes se font passer pour des homosexuels en proposant un rendez-vous à un internaute dans le but de le livrer à la police. Toujours selon le rapport, rares sont les personnes qui défendent les homosexuels au Cameroun. Preuve :  deux avocats ont récemment reçu des menaces de mort après avoir défendu des jeunes gays.

On dénombre vingt-huit personnes poursuivies pour homosexualité au cours des trois dernières années. À l’heure actuelle, six personnes sont en procédure – quatre en liberté conditionnelle, deux autres en prison. Les quatre ONG réclament l’abolition définitive de cette loi ainsi que la libération des condamnés. . Actuellement, le ministère de la Justice ne répond pas aux appels des ONG et la loi n’est pas prête d’être annulée.

Source : Human Right Watch, Les Inrocks

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