L’homoparentalité marque des points en justice, en Allemagne et devant la Cour de Strasbourg

L’homoparentalité, plus précisément l’adoption « coparentale » au sein des couples de même sexe, a enregistré mardi deux importantes avancées juridiques: d’une part devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui statuait sur un cas autrichien, et d’autre part devant la justice allemande.

Dans le premier cas, les juges européens ont donné raison à un couple de lesbiennes autrichiennes de 45 ans, dont l’une s’était vu refuser par la justice de son pays le droit d’adopter le fils de l’autre, qu’elle élève depuis qu’il a neuf ans, et qui en a aujourd’hui 17. Or une telle adoption « coparentale », selon le droit autrichien, aurait été possible pour un couple hétérosexuel non marié. C’est cet élément qu’ont retenu les juges de Strasbourg pour conclure à une discrimination en fonction de l’orientation sexuelle. Ils on en effet estimé qu’une différence de traitement peut être acceptable entre couples mariés et non mariés – et ils ont rappelé à ce propos que les Etats européens sont libres d’ouvrir ou non le mariage aux homosexuels -, mais pas entre couples non mariés homosexuels et couples non mariés hétérosexuels.
Outre l’Autriche, une telle discrimination est inscrite dans la loi de quatre autres Etats européens, a relevé la Cour: le Portugal, la Roumanie, la Russie et l’Ukraine.
Sur le fond, la Cour a jugé par ailleurs que « le gouvernement autrichien n’a pas fourni de preuve établissant qu’il serait préjudiciable pour un enfant d’être élevé par un couple homosexuel ou d’avoir légalement deux mères ou deux pères ». Elle a condamné les autorités autrichiennes à verser 10.000 euros pour dommage moral aux requérants.
En mars 2012, la CEDH avait rendu une décision inverse dans un dossier quasiment similaire: un couple de lesbiennes françaises demandait que l’une puisse adopter la fille de l’autre. La Cour les avait déboutées, car elle avait constaté qu’en France – contrairement à la situation en Autriche – l’adoption coparentale est interdite à tous les couples non mariés, qu’ils soient ou non de même sexe. Elle n’avait donc pas vu de discrimination dans ce cas.

Par un hasard du calendrier, c’est également mardi que la plus haute instance judiciaire allemande, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, a rendu une décision dans un dossier assez similaire.
En Allemagne, les homosexuels vivant en couple dans le cadre d’un contrat de partenariat civil – un dispositif créé en 2001 – ont déjà la possibilité que l’un adopte l’enfant de l’autre, sauf si l’enfant avait déjà été adopté par le premier parent.
C’est justement ce point que contestaient les deux couples de requérants qui s’étaient tournés vers la cour de Karlsruhe: une lesbienne, qui avait adopté un enfant en Bulgarie, et sa compagne, ainsi qu’un gay ayant adopté un enfant en Roumanie, et son compagnon.
Les juges constitutionnels ont observé qu’une adoption de ce type était possible pour les couples mariés – donc hétérosexuels, car le mariage gay n’existe pas en Allemagne – , mais pas pour ceux ayant conclu un partenariat civil. Ils ont jugé cette différence de traitement contraire à la Constitution. « Dans l’intérêt des enfants », les parents doivent être protégés des ingérences de l’Etat, et « le fait que les parents soient de même sexe ou de sexe différent n’y change rien », a estimé la Cour constitutionnelle.
Le gouvernement allemand a « pris connaissance avec beaucoup de respect » de ce jugement, a assuré son porte-parole, Steffen Seibert. Berlin procédera à la modification législative nécessaire « avec comme priorité majeure le bien de l’enfant », a-t-il ajouté.

Lire aussi : « Non, l’adoption par des couples gays n’est pas contraire à l’intérêt de l’enfant », un article de Benoît Schneider, professeur ; Olivier Vecho, maître de conférences (Le Monde/Idées)

Source : 1001 Actus