L’Assemblée nationale a adopté mardi, en première lecture, par 329 voix contre 229, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. C’est maintenant au tour du Sénat de débattre et voter la loi.

Dès que l’issue du vote a été annoncée, les députés de la majorité ont scandé: « Egalité, égalité! » Sans surprise, les députés de la majorité ont voté pour le projet de loi, tandis que la grande majorité des députés UMP et UDI ont voté contre, malgré quelques exceptions notables. Quatre députés membres du groupe socialiste ou apparentés ont voté contre et cinq se sont abstenus.

La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a été ovationnée mardi après le vote de l’Assemblée sur le projet de loi autorisant le mariage homosexuel. Après avoir salué l’adoption de ce texte, «une étape importante» mais «pas la dernière», Christiane Taubira a notamment remercié les députés de la majorité, «actifs» et qui lui ont envoyé «une très belle énergie», ainsi que «la ténacité» des députés de l’opposition durant les deux semaines de débat. Puis, après avoir suscité les rires pour son «merci à tous pour ces jours et ces nuits passés ensemble», elle s’est autorisé une envolée.

«Il y a des choses que ce texte ne pourra pas accomplir. Il ne supprimera pas le jeu amoureux, ni chez les homosexuels ni chez les hétérosexuels», a-t-elle lancé. «Il restera toujours beaucoup beaucoup de femmes, pour vous regarder, messieurs, pour vous observer, pour essayer de percevoir derrière vos carapaces la tendresse qui parfois vous habite, pour essayer de percer les défauts qui se cachent parfois sous des dehors affables, et pour discerner dans l’entrelac de vos talents et vos faiblesses si vous êtes capables de tracer des chemins sur la mer, comme l’écrivait Antonio Machado» (poète espagnol, ndlr), a-t-elle dit.

Sur le mariage homosexuel, la parole est désormais au Sénat, où l’adoption du projet de loi devrait se jouer à une poignée de voix du fait de l’étroitesse de la majorité de gauche. Le débat débutera le 2 avril. Il devrait durer «au moins une semaine et demie», mais «il n’y aura pas de limite» de temps, a annoncé mardi Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement.

L’adoption du texte ne sera pas aussi aisée qu’à l’Assemblée nationale. La gauche ne dispose que de 6 voix de majorité et si toutes ses composantes, communistes compris, sont unies pour approuver le mariage gay, des défections individuelles sont attendues dans leurs rangs.

Au RDSE (à majorité radicaux de gauche), Jean-Pierre Chevènement, opposé au mariage pour tous, hésite entre ne pas prendre part au vote et l’abstention, et Gilbert Barbier, adhérent de l’UMP, votera contre. Le président du PRG, Jean-Michel Baylet, ayant fait de cette question, comme de celle du cannabis, un marqueur de sa campagne lors de la primaire pour la présidentielle, le reste du groupe devrait appuyer le gouvernement.

La grande inconnue reste la position des élus d’outre-mer, très réticents, y compris à gauche, pour des raisons culturelles ou religieuses. Certains pourraient choisir la politique de la chaise vide et ne pas venir voter.

Mais à droite, des « défections » sont également prévues. A l’UMP, Alain Millon et Christian Cointat ont annoncé qu’ils voteraient pour le texte, tandis que d’autres devraient s’abstenir comme Alain Fouché ou Christophe-André Frassat.

Chez les centristes de l’UDI-UC, Chantal Jouanno s’est prononcée pour le mariage gay et d’autres prévoient de s’abstenir, comme Muguette Dini, Valérie Létard, Nathalie Goulet ou Vincent Capo-Canella.

Les débats devraient être sans concession mais moins survoltés qu’à l’Assemblée nationale. «Nous ne serons pas dans la démesure», déclare-t-on au groupe UMP. «Nous avons préparé de nombreuses interventions et de nombreux amendements, plus de 200, nous ferons valoir nos convictions mais sans entraves ni excès», a déclaré le président du groupe, Jean-Claude Gaudin. «Beaucoup de nos amendements iront dans le sens d’une union civile pour les homosexuels telle que suggérée par Nicolas Sarkozy», a-t-il ajouté.

«Je fais confiance à la sagesse des sénateurs et à l’ambiance plus apaisée qui règne au Sénat pour que le débat soit de haute tenue», a renchéri François Rebsamen. Le président des sénateurs PS est très optimiste quant à l’issue du vote. «On n’aura pas de soucis», a-t-il affirmé. Certains PS plaident pour un vote conforme, c’est-à-dire sans modifications, ce qui rendrait le vote définitif et éviterait un retour vers l’Assemblée nationale.