Les télés d’information continue boycottent les images de la Manifestation pour l’Egalité.

Rien. Pas un mot. Pas une image. Plusieurs heures durant, les manifestants pour le mariage gay auront défilé à Paris dans l’ignorance générale des deux chaînes d’info continue diffusées sur la TNT, BFM-TV et i>Télé.

Les chaînes étaient ailleurs, aux Sables d’Olonne (Vendée), où le navigateur François Gabart allait arriver, il arrivait, il n’avait jamais été si près, voilà, il est là, on le voit, on le touche, voyez comme il est beau, comme il est jeune, comme il est blond, comme il sourit, quel exploit, et 29 ans seulement, ah il sourit encore, et sa femme est là aussi, qu’elle est belle Henriette, et leur bébé de 9 mois, quelle fête mes amis, et tous ces braves gens qui l’acclament, quelle joie, quel bonheur innocent, pur, sans taches celui-là. Oh pardon. On ne l’a pas dit.

Le 13 janvier, c’était télé Barjot

Le 13 janvier, pour les autres, BFM TV a gardé l’antenne toute l’après-midi ? On l’avait vue virevolter, la Barjot, devant vos caméras. Vous aviez fait télé Barjot. . Tout l’après-midi, la chaîne d’information en continu a diffusé des images du défilé (journalistes en direct et paroles de participants). Jusqu’à saturation.

Sa concurrente i>Télé a proposé à peu près le même traitement. Elle a également utilisé des images officielles de la manifestation. Toute la journée, pour vendre son « live », i>Télé a utilisé le logo officiel des opposants au « mariage pour tous », représentant un père, une mère et leurs enfants.

C’est ainsi que les téléspectateurs de BFM-TV ont été exposés, pendant de longues minutes, au discours de Frigide Barjot. Sous adrénaline, la porte-parole de l’événement sautillait, faisait des blagues et parlait de sa vie privée (remerciant son mari, l’invitant sur scène). C’était son heure, le moment peut-être le plus vibrant de sa vie. En direct sur vos écrans.

Ignorer ce qu’on ne veut pas voir

Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFM-TV, avait  annoncé le « même travail » pour les manifestations pro-mariage gay du 27 janvier.

Ils ne l’ont pas fait et ils n’ont pas dit pourquoi ; Ils ne l’ont pas dit, mais leur silence le pensait si fort. Leur silence le criait. C’est le problème avec le silence. Il crie des choses que l’on entend très fort, même s’il ne dit rien. Comme quoi il vaut toujours mieux parler.

Evidemment, ils démentiront. Ils plaideront l’exploit historique, les 78 jours, le record battu. Ils expliqueront qu’il faut choisir. Et pourtant ? Alors, puisque les  cars-régie se trouvaient sur le parcours, puisque des invités étaient réservés (et ont été décommandés au dernier moment), pourquoi n’avoir pas partagé, même seulement un peu,  votre antenne ?

Nous ne regarderons plus la télé « en direct » de la même manière.

Parmi eux, parmi ceux qui marchaient dimanche pour le mariage pour tous et apprenaient peut-être, par la rumeur de la manif, qu’ils n’existaient pas aux yeux de BFM et i>Télé, il en est peut-être quelques centaines, quelques milliers, qui croyaient encore que l’image télévisée reflète le réel et qui auront touché du doigt comment les « pravdas » audiovisuelles privées écrasent ce qu’elles ne veulent pas voir, l’écrasent sous les hurlements de triomphe, sous le bavardage scintillant, sous les célébrations factices, sous les boucles creuses.

Ces bavardages, ces célébrations, cette télé-confetti, se sont marqués eux-mêmes au fer rouge de la désinformation, et la trace en restera toujours.

Source : Rue89.com