Marinette Pichon, l’ex-star du football français féminin, raconte au Huff Post son combat pour avoir un deuxième enfant, puis un congé parental, et son souhait de voir le gouvernement français “respecter ses engagements”.

Alors, heureuse?

Heureuse, c’est le mot ! La césarienne est prévue pour le 7 novembre. Il devait naître le 6, mais c’était l’anniversaire de ma compagne: on préférait qu’il ait sa date à lui, le gynécologue a accepté de décaler.

Est-ce que cela a été difficile d’obtenir un congé paternité?

Pas du tout. On a écrit au Conseil général quand ça a été le moment, et j’ai eu une réponse environ un mois et demi après. Le social, c’est le cheval de bataille du président du Conseil général (Jérôme Guedj, président PS du département et député). Mais n’importe quel agent l’aurait sollicité, cela aurait été la même réponse. Il avait déjà sollicité un agrément (d’adoption) pour une femme homosexuelle. Cela me paraissait logique qu’il accepte, et il a dit oui. Après, on m’a dit que je serai la première femme à obtenir un congé paternité, j’ai trouvé ça plutôt chouette !

Est-ce que cela a été difficile d’obtenir votre premier enfant?

C’est une démarche qu’on a tentée toutes les deux, et qui a été difficile oui, puisqu’à cause du refus de la France de mettre en place la procréation médicale assistée  pour les homosexuels, on a dû aller en Belgique. Nous avons ensuite essuyé 14 échecs. J’ai eu moi-même 6 inséminations artificielles, et comme cela ne marchait pas, c’est ma compagne qui a essayé. C’était un vrai défi qu’elle lançait à son corps, puisqu’elle est en fauteuil roulant. D’abord cinq fois par insémination artificielle, puis quatre fois par fécondation in vitro. C’est la quatrième fois qui a été la bonne…au bout de cinq ans.

Il y a une lourdeur administrative et financière terrible qui est dure psychologiquement. C’est une vraie mise à l’épreuve d’un couple et du désir d’avoir un enfant. Entre les frais médicaux, les frais de transport, d’hébergement, et tout le reste, nous avons dû dépenser près de 15.000 euros. Et nous avons fait pas loin de 10.000 kilomètres !

…c’est donc selon vous un bébé “mérité”? Comprenez-vous les attaques de ceux qui affirment qu’un couple hétérosexuel est mieux à même d’élever un enfant qu’un couple homosexuel?

C’est en tous cas un bébé qu’on va aimer plus que tout. Je n’ai pas besoin de me justifier sur le fait que je serai meilleur parent qu’un “père”. Je n’aurais pas toujours de réponse aux questions qu’il me posera mais ma compagne et moi on aimera notre enfant comme tous les parents sur cette terre !

Pourquoi un enfant serait-il mis en difficultés parce qu’il vit avec deux femmes ou deux hommes? Il suffit de regarder les enfants qui ont grandi dans des couples homosexuels, aujourd’hui ils se portent très bien. Nous avons déjà un fils (Maxime, bientôt 20 ans, qui vit avec le couple depuis sept ans) et il est très heureux. Il est très équilibré ! Et peu importe pour lui que ce soit de l’amour féminin ou masculin ! Il reçoit de l’amour, point.

C’est un faux débat, et qui me révolte un peu ! On ne parle pas des pères qui privilégient leur carrière ou des mères qui élèvent leur enfant toutes seules. On passe ça sous silence. Alors que les homosexuels…

Que pensez-vous des discussions politiques actuelles autour de la procréation médicale assistée pour les homosexuels et des atermoiements du gouvernement ?

Je peux comprendre que la décision ne soit pas facile à prendre et à voter, et ensuite à mettre en application et en vigueur. Il faut faire les choses avec un certain cadrage. Mais ce que le gouvernement doit comprendre c’est que les couples homosexuels qui ne peuvent pas avoir d’enfants dans leur pays s’expatrieront quoi qu’il arrive pour accomplir leur rêve !

Il y a eu des engagements de pris pendant la campagne présidentielle, il faut que ces engagements soient respectés.

Etes-vous favorable au mariage gay? à l’adoption ?

Evidemment, la question ne se pose pas pour moi. Je suis pacsée aujourd’hui mais je veux pouvoir épouser ma femme pour avoir une égalité juridique, si je dois rencontrer quelque problème qu’il soit.

Les maires qui se positionnent en défaveur du mariage pour tous vont à l’encontre du droit des citoyens. Par ailleurs quand on est maire ou mairesse, et qu’une décision a été prise, on se doit de remplir ses fonctions avec objectivité.

J’espère que le droit au mariage n’ira pas sans droit à l’adoption. Certains couples ont des difficultés et ne peuvent pas avoir d’enfant. Je ne vois pas pourquoi, parce qu’ils sont homo, ils ne pourraient pas accueillir un enfant chez soi. Mais il faut un cadrage, bien sûr.

Vous êtes un symbole aujourd’hui pour beaucoup de gens. Est-ce que vous vous sentez un devoir du fait de votre notoriété ?

D’abord, je ne suis pas quelqu’un d’important. Je vais au travail comme tout le monde, j’aime quelqu’un comme tout le monde, j’ai ma petite vie comme tout le monde. Je suis une personne lambda ! Je suis juste une ancienne joueuse de foot. Et si je n’avais pas fait carrière, j’aurais milité de la même manière.

Si je peux servir de porte-parole, tant mieux. Mais j’étais militante avant et je le serai demain.